Vous souvenez-vous de votre première Décembre ? Vous souvenez-vous des joues rosies avec les clichés en ribambelle ? Il est difficile d'en douter. Oui, elle sentait bon ces odeurs vives, tout en contraste avec la bouillance des minauderies légitimes.
Marivaudages innés.
Alors pourquoi parler et reparler du froid externe et de la chaleur intérieure pour signifier ces rituels vomissants ?
La moitié du monde géographique sait et comprend que décembre peut aussi être synonyme de plein été. Dans leur vie beaucoup de nos congénères auront l'occasion de suer sang et eau à cette période, au lieu de se planquer sous une couverture épaisse comme un mauvais roman d'été. Mais plus clichée que cette pauvre Décembre cela n'existe pas. Une fille magnifique qui se traîne le boulet de Noël depuis un bon paquet de décennies sans pouvoir y faire quoi que ce soit.
Alors compatissons et taisons-nous ? Trop simple, malheureusement. Et non, Décembre n'est pas simple. C'est une actrice ultra-célèbre donc névrosée qu'on a fait se bloquer sur un seul rôle figé sinon frigide. Décembre a autant de correspondances avec le rouge et le vert et le gros vieux bonhomme et sa barbe de 365 jours que le Vatican de contacts avec l'industrie pornographique.
Décembre peut parfois déprimer, de fait. Elle n'est pas méconnue, mais incomprise. Elle souhaiterait du calme et des câlins au coin du feu, quand on lui fait subir les grands magasins et les ultra-sons des mioches. Elle voudrait se recentrer sur le temps qui passe alors qu'on la gave de pubs pathétiques comme une oie qui en redemanderait.
Décembre est incomprise. C'est une sentimentale, une nostalgique sensible à qui on voudrait faire croire que coucher le premier soir c'est essentiel à une bonne hygiène corporelle. C'est une jeune fille réservée qu'on balance en première partie de Rammstein à la Halle Tony Garnier. Oui, par définition Décembre sait s'exporter en Province, et au-delà. C'est une altruiste à qui on demande de crier sur tous les toits qu'il n'y en aura pas pour tout le monde, que les premiers les plus riches seront les premiers servis. C'est une égocentrique sur qui on compte pour résoudre tous les problèmes des plus pauvres enfants de la planète.
Alors qu'elle s'en fiche, Décembre. Elle semble froide, et elle l'est un peu, avouons-le, par nature. Pourtant elle aimerait juste un peu d'affection et de tranquillité quand vient son tour dans l'année. Elle ne veut pas de ces cris et de ces paillettes lamentables qu'on lui impose depuis si longtemps. Elle vaut mieux que ça et fait des efforts pour s'en persuader, tandis qu'allumer la télévision lui fait monter les larmes aux yeux.
Mais dans les dédales de nos sociétés en perdition Décembre sera toujours bien plus infinie par le temps et par l'espace que ce que laisse imaginer le minable cirque de Noël. Elle vainc déjà les masses de préjugés sur la neige des villes et la neige des champs, la St-Sylvestre qu'on fête comme on boit le Beaujolais, et les mioches pourri-gâtés qui s'amuseront de leurs cadeaux jusqu'au déjeuner quand leurs parents suceront les huîtres pas fraîches et les escargots douteux.
Décembre vaut bien mieux que toutes ces choses insignifiantes et nauséeuses. Elle se recentrera quoi qu'il arrive sur les émotions antiques, du genre l'odeur des cheveux d'Elodie parce que vous vous êtes penché sur elle pendant le devoir de maths, le sourire les fossettes toutes rouges de Camille qui mange en face de vous à la cantine, ou le relâchement des épaules quand vous rentriez chez vous après l'école et que contre vents et marées et neige et verglas il faisait bon.
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