Ces derniers temps, j'avoue, je vais moins au cinéma, ce qui me permet de m'arrêter et de vous parler rapidement de la dernière horreur que je viens de voir hier : Après Mai, d'Olivier Assayas.
De lui, j'avais vu Demonlover, Clean et Boarding Gate qui chacun dans leur genre m'avaient poliment fait chier, mais j'arrivais à admettre que cela puisse plaire à une certaine frange de la population de critiques bien parisiens et de spectateurs se sentant obligés d'aimer. Non, je suis sévère, ces films avaient au moins certaines qualités esthétiques.
Et celui-ci ne déroge pas vraiment à la règle.
On est avant tout dans du "cinémaaa français" tiqueux fémisseux, donc c'est forcément autobiographique autofictionnel prétentieux.
1971, Paris, et les manifestations lycéennes réprimées dans la violence. Le film commence bien, assez dur. La suite immédiate n'est pas mal non plus, on suit le héros et ses copains dans leur besoin de se rebeller face au système. Ils vont loin mais pourquoi pas. C'est l'époque où être de gauche pouvait encore, à la limite, signifier quelque chose. Intéressant, au moins du point de vue documentaire. Surtout qu'évidemment, les jeunes personnages ne sont pas de gauche, mais plutôt anarcho-communistes. Et qu'au final on voit bien qu'ils ne savent pas à quel saint politique se vouer. Et c'est tant mieux, et c'est assurément là-dessus qu'Assayas aurait dû faire tourner son film. La photo est jolie, et la musique est à l'avenant, très bien choisie, et elle le restera tout au long des 2 heures que dure cet interminable machin. Quelle chance.
Et le machin a eu le prix du meilleur scénario à Venise. Ça peut objectivement se concevoir. Pour quiconque aime l'histoire - et j'en fais partie - il pourrait y avoir un très grand intérêt à se pencher sur ces années particulières de notre histoire. Juste avant la Crise.
Malheureusement, très très vite s'installe un très très grand malaise qui devient très très vite insupportable lorsqu'on se rend compte que tout le monde fait semblant de pas le voir.
En quelques mots clairs, c'est horriblement, douloureusement mal joué. Plus que ça. C'est à se tirer une balle tellement les acteurs sont mauvais, et qu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. C'est à se tirer une balle d'imaginer un cinéaste, avec une telle expérience, se satisfaire d'une telle immondice de casting. Alors, énervé, très énervé, on revient chez soi, et en quelques clics on apprend que la majorité des acteurs sont débutants... Et alors ? Ça justifie tout ? Ça justifie les dialogues inaudibles, plats, inconsistants ? Ça justifie la mono-expression commune à tous les gamins ? Ça excuse l'absence totale d'émotion ?
Non, évidemment non, et ça met potentiellement en colère de voir des journaux - toujours les mêmes - porter aux nues un tel ridicule.
Mention toute spéciale à Carole Combes, la première amoureuse du héros. J'avais pas vu pire jeu depuis... depuis... Ah. En fait non, j'ai jamais vu pire dans un film qui se veut haut de gamme. C'est assez difficile à décrire, et très facile à imaginer. Une sorte de fille sans intérêt, sans étincelle dans les yeux, a priori - je dis bien a priori - jolie. C'est important à noter, parce que le héros est amoureux d'elle et qu'on a beau tourner le truc dans tous les sens, on se demande vraiment bien pourquoi. Elle balance ses répliques et se tient dans son rôle d'une manière tellement plate que même la Belgique prendrait peur. Et encore, plat, quand on comprend ce qu'elle dit.
Elle garde un regard vide que parfois j'ai pu retrouver chez certains chiens que j'ai croisés dans ma vie. Une diction si inodore, incolore, sans saveur qu'une page du Journal Officiel passerait pour du Ronsard. Mais je ne veux insulter ni Ronsard ni le Journal Officiel.
Bref, une horreur absolue qui pourrit le film presque de bout en bout.
Aucun humour, aucune fantaisie. Les gamins sont censés avoir moins de 20 ans. Le réalisateur semble penser que déshabiller les filles fera passer la pilule. Mais je me suis déçu. Oui. Parce que non, la pilule est pas passée chez moi, du tout. Normalement, je suis un mec basique, binaire, stupide, content dès qu'il voit des boobs, mais là...
Les filles - on va les réduire au nombre de trois - sont tellement ternes qu'elles en deviennent laides. Je peux à la rigueur épargner - un peu - Lola Créton, mais les autres...
Outre la Jane Birkin de supermarché que j'ai citée au-dessus, on a aussi une Américaine, Leslie, interprétée par on s'en fout désolé une rousse, et là... j'avoue je répète, je suis basique, con, binaire, une rousse à l'écran aurait dû m'intéresser, mieux, m'émoustiller, mais après deux minutes...
Dieu qu'elle n'a aucun intérêt. Dieu qu'elle ressemble à un cocker malade. Dieu que son personnage me donne envie de courir dans la direction opposée. Dieu, ô mon Dieu dites-moi ce que j'ai fait pour mériter une telle torture cinématographique. J'ai péché par prétention ? Par naïveté ? Par snobisme ? J'ai cru que le cinémaaa français pourrait m'émouvoir, m'apprendre quelque chose d'utile ?
Attendez, attendez, le plus marrant c'est que certains spectateurs allocinéens osent écrire noir sur blanc "félicitations aux jeunes acteurs, tous formidables".
Je les soupçonne de venir directement de la boîte de prod, voire d'être leurs agents. Franchement.
Je vais passer rapidement sur les garçons, ce serait mauvais pour mon cholestérol. Vous avez un roux - encore - avec une énorme touffe sur la tête. Censé être un activiste exalté. Il aurait pu, il aurait dû être beau, touchant, amusant, irritant. Un jeune quoi. Il est juste pathétique d'ennui.
Le héros ? Quel héros ? Ah oui, le gamin à la mèche dont le seul mot d'ordre est de faire semblant de s'impliquer puis de laisser tomber ? Alors c'est un anti-héros ? Mais attendez, attendez, un anti-héros, c'est toujours un peu drôle, en général, non ? Non ?
Assayas, franchement, de mon côté, je sais, je suis irrécupérable, on me dit souvent que je suis né vieux, mais vous, vous, avez-vous déjà été vraiment jeune ? La jeunesse, oui, vous savez, quand on rit, sourit, pleure, crie, VIT quoi...
Les années 70 ? Où ça ? Dites-moi où !
La révolution ? Vous croyez que vos personnages sont crédibles dans leur envie de faire la révolution ?
Le cinéma, c'est un art vivant. Pas seulement des lignes de mauvais dialogues à sortir les unes à la suite des autres comme si on pointait à l'usine. Le cinéma et les acteurs sont là justement, normalement, parce qu'ils ne veulent pas pointer à l'usine. Vos jeunes sont aussi tristes qu'un Noël passé seul.
Sans même parler du fait que les personnages qu'incarnent ces acteurs sont pour la plupart censés interpréter des artistes ? C'est une blague ? C'est ça, un artiste ? Vous étiez comme ça à 18 ans ? Mon Dieu.
J'irai pas sur le chemin de la sobriété des acteurs, du naturalisme. Il y a des milliers d'exemples bien meilleurs que ce salmigondis indigeste et mal maîtrisé d'idées démodées posées à la va vite sur de la bonne musique. Le naturalisme, si je le veux, je vais le chercher chez les frères Dardenne, par exemple, et je le trouverai. Des débutants ? Émilie Dequenne aussi était débutante, et ça avait une autre allure, vraiment...
Non, franchement, ce film est intenable sur la durée. On se fait chier, mais en s'énervant, méchamment. Pas la moindre note d'humour. Pas le moindre éclair d'émotion. Je ne plaisante pas. J'en tiens pour preuve cette scène de soirée où le héros s'en va sans dire au revoir à son Amoureuse et qu'elle le cherche. Rien qu'à y repenser, je me dis qu'il faut mieux en rire qu'en pleurer. Il y a même un incendie qui va l'obliger, elle, à sauter par la fenêtre. Et à se tuer. Là, vous comprendrez bien que n'importe quelle actrice cherchera, même sans dialogue, à insuffler un minimum d'inquiétude, de tristesse, d'interrogation, puis de désespoir, de peur, de fatalisme dans l'attitude, dans le regard. Mais non. C'est du cinémaaa français et Carole Combes nous gratifie tout le long de sa grande scène de sortie d'une magnifique gueule inerte de mannequin sur un podium. À part ridicule, pathétique, lamentable, je crains manquer d'adjectifs pour finir cet article, qu'il se peut que je modifie par la suite pour y rajouter de mon fiel de chômeur frustré.
Mais après tout, puisque les critiques sont dithyrambiques, voyez-le, ce film, et pensez à ce que je viens d'écrire, peut-être.
Je n'aurai de cesse de m'insurger contre ce cinéma-là. Mal joué, prétentieux, péremptoire. Je n'aurai de cesse de cracher sur Despleschin, Rohmer, Godard et sur celles et ceux qui me crachent dessus parce "qu'ils ont lu les Cahiers" et qu'ils savent mieux que les autres ce qui est bon, et vrai.
J'essaierai plutôt de vanter les mérites - même s'ils en ont pas besoin - des gens comme Jacques Audiard, Kervern et Delépine, qui voient les choses différemment, en matière de vérité à l'écran.
Même François Ozon. Je crois que je serai en mesure d'apprécier les films de François Ozon. Mais c'est certain je ne cautionnerai plus Assayas.
C'est juste que des fois, le cinéma français me sort par les trous de nez.
Un jour, promis, j'essaierai de vous parler d'un film de chez nous qui m'a plu.
L'exemple typique de ce "Après Mai" me déprime pas mal, j'en suis désolé. Surtout quand on le met, par exemple, en face du film de Ben Affleck, Argo, que j'ai vu juste avant.
Oui, allez plutôt voir Argo. C'est drôle, prenant, instructif, historique, romancé, plein de tension. Biaisé certes, mais BIEN JOUÉ. Bref, Américain dans le bon sens du terme. C'est tout simplement ce que j'appelle du cinéma.
Allez sinon voir la Chasse, de Vinterberg. C'est pas très fin, des fois pesant, énervant, attendu, à la limite du Lars von Trier - beurk - mais BIEN JOUÉ. C'est tout.
Je sens qu'il se peut que je regrette un jour ces derniers conseils. Mais ils sont le fruit du moment, de l'instant. Vinterberg, lourd, oui, même Vinterberg, plutôt qu'Olivier Assayas, prétentieux, lent, raté. Parce que 1971 a forcément dû être plus fun que ça. Juste avant la fin des 30 glorieuses, et notre arrivée à nous, les chanceux, les enfants de la Crise. C'est pas possible autrement.