Dans l'autre coin il y a ceux qui assument aimer la tristesse cynique. A leur gauche un arynorvégien d'extrême droite qui massacre des gamins innocents sinon un peu militants. A leur gauche une gamine laide comme une boule de poils dans le siphon du lavabo et dont la voix de pierre ponce usée restera très probablement dans les mémoires.
Elle finit sa vie sans la moindre surprise générale mais avec les quelques pleureuses adéquates.
L'été est là et le monde s'ennuie. Il faut du sang et des larmes pas forcément promises à la base.
Les médias tournent en boucle parce qu'ils connaissent le topo. Juillet, à part le sport c'est toujours difficile de trouver quelque chose à dire. La crise nouvelle permet de nouveaux sujets de discussions impromptus. L'ivresse naît vite, ponctuelle. La météo et les embouteillages et le taux de remplissage des hôtels sont fidèles à l'appel.
Mais l'été et les humains ont plus besoin de sang et de larmes que d'une victoire australienne sur le Tour de France.
Les cyniques prennent la corde. Ils mettent la gamine morte dans un sac plastique et un club ridicule qui n'existe que pour faire vendre des livres des films, des émissions retrospectives et des compilations.
Les files de voitures descendent pour mieux remonter 10 jours de congés payés plus tard.
L'arynorvégien a été tout à fait méthodique. Il a fait une peur tout à fait légitime. Personne n'est plus à l'abri puisqu'il est vivant.
Tous les gamins sont dans des sacs plastiques. Les parents, les proches pleurent. Les cyniques admirent.
La plus vieille avant l'heure d'entre eux a un peu chanté, quand elle était en état de le faire. Insuffisant pour l'esthète en sarcasmes, il faut du pathétique, il faut absolument entendre vingt mille personnes huer leur ancienne idole qui l'est probablement redevenue depuis.
Les gamins se réunissent sur une petite île et se font piéger, traquer comme du gibier par un seul chasseur fou. Tout un quartier se voit soufflé à la bombe comme par une tempête. Mais ce n'est pas assez pour le spectateur exigeant, il faut des images chocs, des interviews sous le choc, en boucle. Il faut rassurer la plèbe, il faut se féliciter que ce soit un bon chrétien blanc aux yeux bleus qui ait fait le coup. Il faut faire s'héberluer le monde entier devant une catastrophe d'ampleur nationale. Il ne faut pas se taire complètement face aux personnes qui ont perdu leur enfant, leur ami. Il faut leur demander à tous ce qu'il s'est passé. A chaud, c'est important, c'est vital, tout de suite. La police ne fait pas assez bien son travail. Les journalistes si.
Les journalistes en vacances sont d'ailleurs tristes de ne pas être disponibles pour de telles mines d'or. Ils s'ennuient.
En Chine, les trains n'ont pas la cote. Dans un pays où tout va trop vite on ne leur a pas appris à s'arrêter. Et encore toujours des morts et des catastrophes à filmer. Du spectacle faux, tragique et magnifique.
En Afrique cette année la famine se porte très bas sur les hanches. Les chiffres dépassent l'entendement donc on ne les cite plus ou à peine. C'est là que le cynique montre tristement ses limites.
Parce que, oui, le cynique sait se montrer un minimum humain lorsqu'il voit des tout petits enfants rachitiques couverts de mouches. Même noirs. Il se tait. Enfin.
On en montre un, voire deux - après les chips prennent vraiment un trop sale goût - mais ces enfants en train de mourir de faim, même noirs, même loin, ils sont évidemment des milliers, des centaines de milliers. Des millions à venir qui sait.
Joie.
Notre monde est beau, juste, équilibré, sain.
De toute façon nous sommes sauvés. Il reste le Tour de France. Les gens sourient, s'aiment, s'interpellent, se respectent, sont heureux. Ils dégueulassent tout sur leur passage puis rentrent chez eux et attendent les nouvelles de Norvège, de Bruxelles, de Londres. Parfois même d'Afrique de l'Est, après le café.
Petit à petit la musique prend alors une autre tournure. De plus en plus grotesque. Dans le sens noble du terme, s'il existe.
Condoléances aux familles des victimes et au peuple norvégien.
Compassion contrite pour les Somaliens qui ont malheureusement l'habitude de ce qui est en train de leur arriver.
R.I.P Amy - sans rancune, je t'aimais bien, tu sais. Garde-moi une place si possible.
Et félicitations à Cadel. Félicitations à tous les coureurs.