Comme il est toujours de bon ton de se lancer dans l'autofiction facile si on veut être lu(e) je vais m'y mettre, une fois de plus, de la façon la plus banale et misérable possible, pour ensuite élargir du mieux que je peux le champ au sujet plus général qui m'intéresse aujourd'hui, la jalousie.
Voyons, si je cherche ce qui m'a pris de vouloir parler de ça, je me retrouve à fouiller dans ma mémoire immédiate d'aujourd'hui pas forcément glorieuse. Alors comme effet de style facile, pour faire dans la distanciation pseudo-intello-foireuse-qui-se-prend-pas-pour-de-la-merde je vais parler à la troisième personne du singulier, et faire comme si c'était de la fiction, sans écrire en italique.
Imaginez un mec, chômeur, seul, pas intéressant, qui depuis des mois dort toute la journée. Il n'a rien à faire. Il ne fait rien. Depuis quelques temps son ordinateur et internet sont sa seule vision du monde. Ce n'est pas un geek dans le sens qu'il n'y connait rien en informatique. Mais tout le reste, les moeurs, us et coutumes du web 2.0, la netiquette il maîtrise plus ou moins.
Dans sa vie il n'y a rien. Plus rien. Absolument et tristement plus rien. Ou presque. Grâce à son blog des petits rayons de soleil ont un peu égayé tout ça. Il en a même rencontré un, ravissant, dont il préfère se moquer allègrement plutôt que d'avouer publiquement qu'il tient à lui.
Mais en dehors de son blog. Rien. Les sites communautaires et autres réseaux sociaux n'ont de communautaire et de social que le nom. Le mec, lui, se rend compte à quel point être seul veut dire exactement la même chose, IRL comme URL.
Il y a une dizaine de jours, sur l'un de ces réseaux, une sorte de petit ange est apparu pour venir calmer les atermoiements égocentriques et misanthropes du mec. Rien de bien extraordinaire, la jeune fille se contente de le faire rire, de répondre aux messages qu'on lui envoit et de rire elle-même aux bêtises qu'on lui raconte. Elle tient aussi un blog malheureusement pas assez mis à jour où elle expose d'une très jolie façon ses vues sur les choses de la vie et de l'amour. En un mot comme en cent, mignonne en diable.
Attention, n'allez pas croire des conneries fleur bleue qui pue. On ne la lui fait plus, depuis des années, à ce mec. Cette fille il ne connaît même pas son nom, il l'a à peine vue en photo et ne sait pas à quoi elle ressemble. Donc, non, n'allez pas croire des conneries. Il ne veut pas la rencontrer ou du moins essaye-t-il de s'en persuader. Il ne veut pas savoir qui elle est ou du moins se persuade-t-il de ne pas y penser. Il s'en contrefiche de ce qu'elle pense, de ce qu'elle vit ou de ce qu'elle ressent. Il s'en branle de la même façon qu'il se branle de l'ensemble de ce qui l'entoure depuis tellement longtemps qu'il n'en a même plus conscience, il n'en a même plus conscience de ce point précis où son indifférence de tout est tellement grande qu'il n'a plus l'envie ni la force de se demander comment il tient debout.
N'empêche que. Elle est mignonne. Drôle. Et attentionnée. Attentionnée. Et drôle et c'est ça qui compte et c'est ça qui est terrible dans cette indifférence de merde qui vous cloue à votre lit d'emblée, cette indifférence de merde, face à vous et depuis vous, en sortie comme en arrivée.
Un nouveau rayon de soleil fait irruption dans votre petit monde pourri, donc. Et vous n'en avez aucune, mais absolument aucune envie, comme vous n'avez aucune envie d'en parler dans un blog que si peu de monde lit, un blog comme tellement d'autres, juste un peu plus bancal car chargé de choses si amères ou bizarres qu'il en devient risible. Tout aussi risible qu'est l'idée qu'on se fait de sa propre valeur et de l'utilité même d'écrire des choses pour rien. À jamais pour rien.
Le blabla n'intéresse pas ce mec, on ne la lui fait plus. Il croyait se connaître, il réalise qu'il ne se comprend pas. Et même comprendre qu'on ne comprend plus soi-même n'aide pas à se préserver de mouvements d'humeur et autres pensées grassement reptiliennes.
Le mec a toujours été possessif, toujours. Il l'assume.
Quand aujourd'hui son petit rayon de soleil explique, de façon objectivement adorable, combien elle est heureuse d'avoir déjeuné avec le jeune stagiaire "qui est trop beau", il se découvre jaloux. Et souffre. Bizarrement beaucoup.
Il ne souffre pas tant de cette jalousie que du ridicule que cette jalousie implique, de son ineptie, de son amertume à gerber. Il a honte et se demande si tous les jaloux ont honte de ce qu'ils sont. Et il est triste, forcément. Ca oui, il est triste, et se hait d'une force qu'il n'avait encore jamais combattue. Le mec, il l'a lu, une fois, que la jalousie est la pire des souffrances morales. Et que, oui, les jalouses et les jaloux ne s'aiment pas. Litote. Dorénavant il pourra confirmer et parler d'expérience.
Je confirme, donc. La jalousie c'est la bombe atomique des sentiments affectifs. D'illustres auteurs l'ont maintes et maintes fois décrite mille fois mieux que moi. Bombe sale, peut-être. Il en reste toujours quelque chose qui vous fera crever un jour ou l'autre, avec souffrances.
Je n'ai jamais été un jaloux. Je n'ai jamais été un jaloux. Je n'ai jamais été un jaloux. Je le jure. Je le sais. Et je prie un dieu inexistant pour que cela ne change jamais.
Pourtant, de façon horrible, la Toile vient de balayer mes illusions. Oui, il est possible de changer, lentement, subreptiscement. Les gens changent, la solitude aidant...
j'ai failli mettre ce texte dans "insanités" mais je me suis dit que "regrets" conviendrait aussi, dans le sens où je m'en veux beaucoup par rapport à plein de choses sur le sujet.