Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 02:02

Vous ne l'aviez pas vue venir, cette fin-là. Vous l'aviez tant attendue que vous tremblez à l'idée qu'elle arrive pour de bon. Que ce soit celle-ci qui arrive pour de bon. Trop de films, de romans, de séries, de fantasmes.

L'atome, on vous avait expliqué que c'était complètement passé de mode.

Vous vous réveillez un peu en sueur, un peu plus tôt que d'habitude ou plutôt en pleine nuit. Vous allez vérifier que dans leurs chambres vos enfants dorment tranquilles. Puis vous irez vous recoucher, à peine rassuré.

 

Vous ne l'aviez pas vue venir, ou presque, et vous ne vous en portiez pas plus mal. Un pays qui fait peur quand les caméras se tournent vers lui. Ne vous inquiétez pas ce sera l'histoire de quelques semaines, quelques mois tout au plus. Vous êtes chez vous, bien au chaud dans votre lit. Vous avez déjà oublié ce qui s'est passé depuis le début de l'année, des morts par immolation, des massacres organisés qu'un séisme sans précédent vient masquer. Puis la vague. Puis les radiations. Vous avez un peu peur, tout le monde à un peu beaucoup peur, tout le monde vit trop près d'une centrale nucléaire. Et quand ce n'est pas une centrale c'est une usine de traitement des déchets.


Il fait finalement peut-être un peu trop chaud dans votre chambre.

 

Vous ne l'aviez pas vue venir ou presque, et vous ne vous en portiez pas plus mal. Il ne s'agit pas d'accumulation puisque la mémoire médiatique ne dépasse jamais quelques dizaines de jours. Non, il ne s'agit pas d'accumulation, juste des images de quand vous n'étiez pas né, ou presque, des images qui restent gravées dans l'écorce noircie.

 

La vérité est que vous avez peur et faites des cauchemars réguliers. Vous vous réveillez et allez vérifier que vos enfants dorment bien. Des dictateurs, des criminels de guerre, des mensonges, des fausses allégations, les radiations, la panique qui surchauffe lentement. Vos enfants dorment bien, vous beaucoup moins. En tant qu'humain vous vous dites que les humains en ont vu d'autres. Les humains en ont vu d'autres, oui, et ce n'est que le début, quoi qu'il arrive. Ils se relèveront, vous vous relèverez.

 

Vous regardez trop la télévision, vous lisez trop les journaux. Et vous avez de plus en plus peur. Au delà de l'information devenue depuis si longtemps produit de consommation courante vous arrivez à saisir quelques instants la détresse des peuples auxquels vous ne connaissez rien.

Vous arrivez à comprendre que les décennies de souffrances à venir chez eux en arrivent à trouver un impact en vous.

 

Vos enfants vont bien et vous-même vous allez bien. Vous êtes sportif et  savez garder une alimentation équilibrée. Voire bio, si cela a le moindre sens. Vous le faites surtout parce que vous en avez les moyens. Et votre femme aussi va bien. Oui, vous avez du travail, une maison, une femme aimante des enfants mignons une famille unie.

Et dans l'absolu votre travail vous occupe beaucoup. Il vous permet de ne pas trop songer aux malheurs du monde. Quelle chance quelle joie.

 

Malgré cela cette fois, cette fin-là, vous ne l'aviez pas vue venir, vous ne vouliez pas la voir venir. Le nucléaire ? Une broutille bien connue. Les humains surconsommateurs par milliards ont besoin de cette drogue pour avancer. Le monde moderne n'est qu'un fumeur de cinquante ans qui se mettrait à pleurer à l'annonce de son cancer du poumon.

Malgré cela, vraiment, cette fois, cette fin-là vous ne vouliez pas la voir venir.  Et vous ne voudrez jamais la voir venir. Parce qu'elle ne vous concerne pas.  Parce qu'elle ne doit pas vous concerner. Parce que c'est loin. Et parce qu'il y aura toujours matière à rire.

 

Le mot est juste. On y trouvera toujours matière à rire, et le connard qui s'agite derrière son écran peut bien dire ce qu'il veut.

De toute façon dans l'inquiétude permanente on ne vit plus.

 

Tout ce qui compte c'est que vos enfants aillent bien.

 

Leurs enfants à eux ?

Vous vous êtes déjà rendormi.

 

 

 

 


 

 

 

 

 

(musique : robokop, at war. Mis en ligne sur youtube par mrdubandbass)

Partager cet article
Repost0
2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 03:08

Je ne sais pas donner. J'ai toujours été très égoïste et ça ne changera jamais. Il fût un temps où je croyais que je deviendrais riche et que cela me rendrait généreux. Mais je suis pauvre et je n'ai rien de généreux, non, surtout quand l'appel au don vient d'entreprises peu recommendables. Pourtant pourtant, s'il y a quelque chose à faire que je peux bien faire le cul coincé dans mon fauteuil, c'est mettre un lien tel que celui qui suit. Ma femme sera contente, mes enfants seront contents et fiers de moi - pour une fois - mes rares amis m'acclameront comme dans les films américains avec les papiers ovni qui tombent des fenêtres.

Je ne suis pas généreux et je ne le serai jamais, pourtant, dans toute l'ordurerie de mon égocentrisme d'homme entre deux âges, aigri par sa vie monocorde, s'il y a bien quelque chose que je peux faire c'est mettre un petit lien et une petite image pour ceux qui ont toutes les raisons d'être plus aigris que moi. Au deux-tiers de ma vie je n'attends absolument rien du dernier tiers, mais je n'ai pas faim, et je ne sais pas ce que c'est que d'avoir faim pourtant j'essaye à peine de comprendre, ce que mon égoïsme forcené me retient de faire la plupart du temps.

Apparemment un lien suffit pour me donner bonne conscience. Apparemment une image me permet de me regarder à nouveau dans le miroir.

 


(edit 8/3/11 : texte écrit pour la campagne 2011 des restos du coeur)

Partager cet article
Repost0
27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 03:14

Je n'ai jamais connu personne d'aussi imberbe psychiquement que toi. Depuis le début tu n'as - il m'a fallu du temps pour le comprendre - jamais rien fait d'autre que te cacher dans l'ombre et le silence alors que je ne cherchais qu'un peu le bruit et les éclats. Si ton but était de m'éclipser, laisse-moi te dire que tu as réussi, peut-être même au-delà de tes espérances. En peu de temps tu as réussi à me ternir comme peu ont réussi à me ternir.

Ce n'est pas ton égocentrisme que je condamne, puisqu'il est inné chez les hommes - les hommes comme toi, oserais-je ajouter - mais plutôt, je répète, sans que cela soit paradoxal, ton mental lisse et glabre comme un cul de nourisson.

Je pense avoir été patiente et attentive, mais je crois aussi avoir atteint maintenant un nouveau cap dans ma vie sentimentale et affective. Je n'ai plus besoin de jérémiades et de remises en question perpétuelles, toujours liées à un manque de force de caractère, voire tout simplement un énorme manque de personnalité qui, de ta part, me devient de plus en plus insupportable à vivre au quotidien.

Je te connais comme si je t'avais fait, et je sais que la première question que tu te poses est si oui ou non j'ai rencontré quelqu'un. Et la réponse est oui. Après, la réponse à ta question suivante est non, je n'ai pas - encore - couché avec lui. Je ne t'ai même jamais trompé. Je suppose qu'au début de nos 5 mois de vie commune tu as été un bon amant. Puis les choses ont commencé à partir en vrille. Dans ta tête tu as dû me considérer trop rapidement comme acquise, et j'imagine que c'est précisément ça qui me fatigue.

Sincèrement, je ne crois pas m'être ennuyée avec toi au lit, mais aussi stupide - et prétentieux - que cela puisse paraître dans mes "pensées intrusives" comme on dit je me demandais souvent si ça pouvait pas être mieux, si je ne méritais pas mieux, de la même façon que toi aussi tu mérites mieux, probablement.

Alors non, je ne t'ai jamais trompé, et je te quitte. Je suis une fille de risque, et avec le garçon que j'ai rencontré la semaine dernière j'ai envie - besoin ? - de prendre des risques. Je suis suffisament fière de moi pour ne pas avoir à revenir auprès de toi en pleurant si ce que je pensais pouvoir se faire ne se fait pas.

Je suis comme ça, je me connais et je ne changerai pas, du moins avec toi à mes côtés. Je suppose que j'ai plus de caractère que toi, et je n'ai pas envie - besoin ? - de te mépriser pour ça.

Tout le mal que je puisse te souhaiter, c'est de te trouver quelqu'un qui te ressemble et avec qui tu pourras vivre paisiblement, puisqu'apparemment c'est ce que tu souhaites.

Pour ma part j'ai envie, voire besoin, donc, d'un minimum de rêve et d'aventure, de risque. J'ai simplement besoin d'un homme sur lequel je puisse compter plus que lui-même ne compte sur moi.

 

Je serai désolée pour toi demain.

Partager cet article
Repost0
17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 05:24

Voici venu une nouvelle fois encore et toujours l'insatisfait chronique alors qu'il atteint son état critique. Peu de chose à récupérer dans le tas. Quelques animaux, quelques jeux, quelques femmes, à remettre dans l'ordre. Aimer la musique, qui ne trahit jamais, puis les animaux, qui ne trahissent pas tant qu'on est pour pour eux, puis les femmes, aimants innés à trahisons en chaîne.

Des amis ? Aucun, ils se sont fait la malle depuis longtemps.

L'insatisfait chronique sait rire, s'amuser de tout surtout de lui. Parfois. Souvent, voire. Mais la solitude aidant, il devient méfiant et cynique. Et comme il n'y a rien que l'insatisfait chronique abhorre plus que le cynisme il se méfie de son propre cynisme masqué maladroitement.

Par pudeur, il appelle ça de l'ironie, sans bien comprendre la définition de ces mots ni leur différence. Ca lui fait un peu le même effet que quand les partis d'extrême-droite se défendent de tout racisme. Alors il rit, tout seul, l'insatisfait chronique, de son stupide entêtement dans ses valeurs abjectes, alors que son insatisfaction elle-même l'insupporte.

L'insatisfait chronique n'a pas de valeurs particulières. Le plaisir, l'amour, la vie à vivre au présent lui donnent envie de vomir. Il vit hier et vieux, fatigué de ses limites qu'il connaît par coeur. Il vit avant-hier et mort. Enterré. Ou plutôt incinéré parce que l'insatisfait chronique n'a évidemment pas pu se réfugier dans le giron de Dieu qu'il méprise.

Dans ses espoirs d'avant-avant-hier, il y avait pourtant un petit nombre de choses, assez belles, presque positives, qui lui tenaient à coeur. Mais les femmes, notamment, lui ont brisé ses courtes jambes.

L'insatisfait chronique est horriblement misogyne, de fait. Il n'a d'abord confiance en personne, et encore moins au sexe faible. Il s'est toujours senti inférieur aux femmes, parce qu'elles ont selon lui toujours fait en sorte de s'afficher supérieures à lui.

De fait donc, répétons-le, l'insatisfait chronique est un homme sans âge et misogyne. Les femmes il les aime parce qu'il est hétérosexuel et ennuyeux, parce qu'il a besoin d'elles. Pour tout le reste il les hait.

Avant-avant-hier il avait eu quelques jolis moments avec ses "conquêtes". Celles qui avaient réussi à le faire rire. L'insatisfait chronique, paradoxalement, aime beaucoup rire répétons-le, mais n'y arrive que très rarement.

Au lit, c'est autre chose. Il lui arrive de devenir violent. Alors parce que sa conscience le tuerait à petit feu, il a arrêté les actes gratuits. A côté de sa gare vivent des professionnelles sans âge, comme lui. Elles, elles ne le dérangent pas. Elles sont drôles et parfois cultivées. Elles n'ont pas la prétention des gamines qui vendent leur corps sur internet.

Avec elles il garde des relations d'ordre hygiénique et ça lui convient parfaitement. Les autres il les hait, et à de plus en plus de mal à le cacher.

Au travail, la semaine dernière, est arrivée une jeune petite truie de 22 ans. Comme les flics. Elle a commencé à "s'intéresser" à lui. Probablement par malice, par jeu. Autrement c'est impossible. Depuis elle minaude beaucoup, assurément. Cela ne fait aucun doute.


Et là tout de suite, elle demande qu'il aille lui chercher un café. Il s'exécute, parce que l'insatisfait chronique ne veut pas de scandale sur son lieu de travail, et que refuser de ramener un café supplémentaire pourrait passer pour une déclaration de guerre.

Devant la machine il se raidit. Un gobelet dans chaque main il a une furieuse envie de cracher dans celui de gauche. Mais il ne peut pas, il a des restes d'avant-avant-hier qui l'en empêchent. Des relents d'éducation. Celle-là même qui l'empêche de frapper. Sans parler des collègues derrière lui. Sans parler de la loi.

L'insatisfait chronique aime la loi, pour dire vrai. Il pense que les textes ne trahissent jamais.


Revenu à son bureau il pose le café à côté de la jeune truie, en bougonnant. Elle répond par un grand sourire puant de reconnaissance.

Il retourne s'asseoir, tremblant.

Il ne sait pas s'il doit d'abord haïr avant-avant-hier, ou cette petite salope qui se joue de lui.

 

L'insatisfait chronique souffre de façon chronique, sur tous les plans. Il ne le mérite peut-être pas. Bach, Mozart ou les Beatles ne soignent pas ce genre de maladies. Pourtant, dans le tragique qui ne le concerne que lui et sa médiocrité, certains trouveront une certaine justice dans l'immuabilité de l'équilibre entre douleur et connerie.

 

Et de toute façon ce soir, cette jeune truie ira se trouver quelqu'un sur internet. Un homme, un vrai.

 

 

 

 

 

(le plus amusant, c'est que je suis évidemment très mécontent de ce texte, et du précédent)

Partager cet article
Repost0
10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 04:45

Ecartez-vous, écartez-vous, vous dis-je, elle est malheureuse, elle a rompu. Laissez-la respirer, ils ont rompu. Ils ont rompu, mon Dieu, elle va étouffer. Mon Dieu peut-être faudrait-il plutôt parler avec les mots exacts : Il l'a quittée et elle est malheureuse très malheureuse au moins comme les pierres et tout le monde qu'elle croit tourner autour d'elle finit de s'écrouler en même temps que se finit cette phrase.

Ecartez-vous, écartez-vous, s'il vous plaît, laissez-la respirer, elle est tellement malheureuse, la petite. Elle voudrait qu'on pleure avec elle. Elle a envie qu'on lui dise qu'on l'aime, qu'elle n'a jamais été seule.

Mais ce n'est pas vrai, chérie. A son âge, la solitude, la vraie, on ne comprend pas bien ce que c'est, on n'appréhende pas. On veut juste être plainte, consolée. On croit qu'on veut être félicitée "Ouh, c'est zoli comment tu dessines" mais ce n'est pas vrai. Chérie, le besoin crétin de reconnaissance il est plus du côté couillu de l'humanité. La compassion quémandée, elle, elle se retrouve du côté de ces millions de vulves amorphes, jeunes, minables et décérébrées.

La pauvre petite paye sa prétention, son égocentrisme. On lui a trop dit qu'elle était douée et jolie, on lui a trop dit il n'y a aucune manière d'en douter. Du coup du coup la pauvre petite pleure et pleure encore sur sa pauvre condition de jolie fille douée, elle pleure et elle pleure encore, parce qu'elle a envie qu'on la plaigne, qu'on lui dire reviens on t'aime. Trop prétentieuse pour répondre à l'affection qu'on lui porte, trop prétentieuse pour s'éteindre en silence, la pauvre petite attend quelque chose qui ne viendra jamais.

 

Regardez-moi comme je suis malheureuse, écartez-vous et taisez-vous. Admirez-moi comme je suis malheureuse j'en vaux tellement la peine.

Laissez-moi pleurer devant vous et consolez-moi dans le vide. Taisez-vous et contemplez-moi dans le vide.

J'ai un retour de flamme dans mon égo surdimensionné. Je croyais pourtant tout savoir sur tout. Je suis une pauvre petite fille douée, jolie et malheureuse. Oh oui, j'ai vingt ans et je suis une pauvre petite fille douée, jolie et malheureuse qui aime qu'on l'admire qu'on la console et surtout qu'on la plaigne, une pauvre petite fille douée, jolie et malheureuse qui n'admet pourtant pas adorer qu'on l'admire qu'on la console et surtout qu'on la plaigne.

 

Alors laissez-moi pleurer devant vous. Consolez-moi dans le vide. Puis taisez-vous et contemplez-moi dans le vide. S'il vous plaît.

Partager cet article
Repost0
6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 23:51

Comme tout le monde se demande pourquoi je ne cause pas assez de ma vie - si si, faites pas les timides, je le sens bien - je vais vous raconter aujourd'hui un de mes secrets les plus intimes, qu'il faut absolument que je vous dévoile,  parce que je souffre beaucoup en ce mois d'août passionnant vous en conviendrez et j'en conviens et j'enfonce le clou et tout le monde me lit. Et en grande première internationale parce que la cause est juste et qu'elle est terrible horrible je vous envoie une surprise en dessous de ces lignes. C'est pour elle que je fais ça. Mais je répète la vérité au-delà de tout ça est bien triste, voire tragique.

 

J'ai un enfant. Une fille. Elle a 15 ans et je viens d'en récupérer la garde. Elle vivait jusqu'à présent chez ses grands-parents, parce que sa mère - qui est en fait mon frère, si, c'est possible - et moi avons dû nous séparer il y a bien longtemps et que nos problèmes de drogue respectifs nous interdisaient de nous en occuper, puisque dans notre mésentente nous avions au moins eu la décence d'admettre que nous en étions incapables. Sa mère est donc partie du côté de Dijon se procurer ses doses à la source dans les services d'urgence des hôpitaux de la ville, et moi, je suis venu essayer de trouver du travail à Paris, même si dans ma débauche et mes multiples tentatives de sevrage je me suis retrouvé chômeur il y a plus d'un an maintenant. Elle a fini par épuiser la résistance de ses chers grands-parents et de mon côté, je me suis dit qu'il était temps que je la prenne en charge, malgré mon manque de moyens. Un père doit rester un père. Je la reprends donc avec moi, avec au fond de moi ce sentiment de fierté doublé d'une petite appréhension. Elle a grandi mais n'a pas vraiment changé pour autant depuis la dernière fois que je l'avais vue. Elle semble extrêmement robuste pour son âge mais elle le cultive à peine et cela cache surtout une grande sensibilité. Déjà à l'école primaire ses méchants camarades se moquaient d'elle parce qu'elle passait pour une fille pas douée, une bonne à rien. Mais comparés à eux, elle possédait déjà une réelle personnalité. Je lui disais que moi aussi j'avais vécu la même chose, mais que c'était pas grave, que j'étais sûre qu'un jour elle serait une star, et que si elle ne devenait pas une star, elle aurait tout un tas de gens à ses pieds, parfois même le même genre de types que deviendraient ceux qui lui crachaient dessus alors.

Elle alors que je la ramenais dans sa valise, j'ai compris que mes prédictions s'étaient réalisées. A 15 ans à peine, elle la pauvre petite fille née dans une de ces énormes maternités chinoises où les sages-femmes travaillent à la chaîne, elle était devenue une grande personne. Et j'eus du mal à contenir une larme.

Mais c'était sans compter sur la suite. Mes parents n'avaient pas pu le détecter puisqu'ils n'ont jamais réussi à la cerner, mais moi, son père, je l'ai très vite remarqué il y a une semaine, cette première nuit où elle m'a réveillé avec des faibles sanglots apeurés. Elle est très malade. Ce soir-là comme souvent me l'a-t-elle avoué on pauvre petit coeur lui faisait défaut et battait à une vitesse folle dans sa poitrine - tachycardie en somme - et pour son plus grand malheur - et le mien - elle souffre également de complications pulmonaires que les médecins chez qui je l'ai emmenée immédiatement non pas encore pu déterminer la nature avec précision.

A son arrivée, je l'avais même couverte de cadeaux dont elle rêvait depuis très longtemps. Un dictionnaire universel et un très beau calepin pour noter tous les mots qui lui plaisent, elle qui a si pourtant si bonne mémoire. Elle s'est tellement passionnée pour ce gros ouvrage et la consignation de ce qui l'intéressait dedans que je crains que ça ait aggravé son cas.

Je m'en veux tellement.

Oui, j'ai peur pour elle, j'ai peur et cette peur me conforte dans l'idée qu'ils ils ne me disent pas toute la vérité, à l'hôpital. Qu'ils n'aient pas la déontologie, voire la bonté de nous mettre, elle et moi, face à la réalité tragique de l'histoire de ma petite fille.

La nuit elle ne dort plus et j'essaye de la rassurer, de la détendre en la faisant jouer à ces jeux qu'elle aimait tant quand elle était toute petite. Mais je vois bien qu'elle est ailleurs, qu'elle a peur de la fin qui approche tellement vite, tellement tôt pour elle, alors que son état s'aggrave un peu plus chaque jour qui passe. A son réveil je l'entends tousser et ce sont des crises d'angoisse qui me viennent. J'ai passé tellement de temps loin d'elle, je me sens coupable de l'avoir délaissée, je n'arrive pas à la calmer, à la rassurer, et à cause de cela je me sens encore plus coupable, pris dans un cercle vicieux dont jamais je n'aurais pu soupçonner la force. Le silence gêné des médecins m'exaspère. Ils se contentent de noyer le poisson alors que pour elle c'est comme si un cancer foudroyant la rongeait à vue d'oeil et je ne peux rien faire. Souvent les mots me manquent, ils me manquent tellement que je n'avais pas encore réussi à en parler avant maintenant. Je vais devoir annoncer la nouvelle à sa mère, mais je sais que pour elle je sais bien que ça n'a pas beaucoup d'importance. Loin des yeux loin du coeur, c'est ce qu'elle dit, et de fait elle n'est quasiment jamais allée lui rendre visite chez mes parents. Elle n'a jamais joué avec elle, même quand elle était bébé. Elle a de la chance elle souffrira beaucoup moins que moi si le pire venait à arriver. Et malheureusement j'ai très peu d'espoir que la pauvre petite guérisse.

Je sais que ma fille est en train de mourir, et je me rends compte à quel point je l'aime et que je n'aurais jamais dû la laisser seule.

Je m'en veux.

Cela ne m'arrive jamais, mais j'ai envie que ce blog garde un souvenir d'elle, puisque tout le monde sait que la Toile rend immortel. Alors je vous la présente en photo.

Elle s'appelle Saturn. Sega Saturn. C'est moi qui ai choisi son nom. Première génération d'émigrés européens nés en Chine, elle a 15 ans et elle a déjà tout vu et tout entendu. Elle a un QI extrêmement élevé qui se compte en méga-octets.

Elle est allée jusqu'à Tahiti où elle a survécu à l'humidité excessive.

Elle est adorable, douce et tellement drôle. Vous constaterez qu'elle a les yeux de son père. Les yeux de son père qui n'arrivent plus à ne plus être embués de larmes. Et des larmes qui ne sont plus des larmes de fierté.

Il fallait que je lui rende hommage. Je ne vais plus pouvoir écrire pendant un moment puisque je passe beaucoup de temps à veiller sur elle. Je reste à son chevet toutes les nuits.

A l'avenir s'il vous plaît ne me demandez pas de ses nouvelles.

Il se peut que la prochaine fois que j'écrive ici elle ne soit plus de ce monde.

 

Hier soir, elle qui s'était jusque là montrée plus forte et courageuse que moi a pleuré en entendant la Traviata à la radio. Je n'arrive pas à avoir un autre air en tête, et je pleure à mon tour, à nouveau.

 

 

segasaturneuropeennesegasaturneuropeenne2

 

 

 

 

 

 

 

Priez pour elle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

( pour ceux qui tomberait par hasard sur ce texte, nous sommes d'accord qu'il est i r o n i q u e. La Traviata est interprétée par la grande Monsterrat Caballé. J'ai hésité avec Maria Callas. Moins "original" mais l'air est entendu en entier, ici. Et en plus, c'est la version que je connais depuis que je suis petit. Vous me direz.)

Partager cet article
Repost0

Introducing...

  • : pour la main gauche
  • : des essais d'essais de romans en ligne, avec des nouvelles aussi, de la musique, de la poyézie, des traductions, quelques jeux vidéo et des bouts de pseudo-réflexions personnelles dedans...
  • Contact

injektzik

Sur Le Long Terme