S'il y a bien un sujet récurrent auquel plus personne ou presque ne prête attention, c'est bien celui de la disparité Paris/Province en France. Unique en son genre en Europe, voire dans le petit monde des pays développés, elle l'est déjà en nombre, mais aussi en qualité, faute de trouver un meilleur terme.
La décentralisation a été LE grand débat politique des années 80. Aujourd'hui, sous prétexte de coûts, notamment, ces idées essentielles à la bonne vie d'une nation sont mises à mal, voire en danger de mort. Je n'irai pas jusqu'à lancer que la décentralisation est sous perfusion, car je n'ai ni les chiffres, ni les connaissances valables pour ça, mais c'est bien l'impression que ça me donne.
Si on considère que nous sommes 66 millions de Français en 2009, il faudrait peut-être répéter que 55 millions de ces mêmes Français ne vivent pas en Ile-de-France, et plus précisement à Paris et dans sa proche banlieue.
Oui, il faut le répéter. Et donc, je le répète, bêtement.
La classe politique et les médias l'ont complètement oublié. Et tout cela a empiré depuis l'arrivée du nabot, premier empereur a n'avoir, contrairement à tous ses prédécesseurs de la cinquième république, aucune attache en province.
Et le pied-bot HAIT la province, sans qu'elle le lui ait assez rendu en 2007, loin s'en faut. Il faut se l'imaginer revenir à Neuilly tous les soirs après ses meetings, depuis Lille comme depuis Pau, Marseille ou Perpignan. Est-il allé à Perpignan pendant sa campagne? Je n'en sais rien et je ne veux pas le savoir. Vous aurez compris là où je veux en venir. Ce que je vous raconte là je me souviens l'avoir lu il y a quelques temps dans un article édifiant de Marianne à propos des relations entre Sarkozy et la Bretagne, avec des phrases volés à vomir indignes d'un président de la République, sur les bretons et les provinciaux en général.
Les médias ne sont pas plus à épargner. France 3 Régions se débrouille comme elle peut pour garder ses bureaux ouverts, et "toutes" les chaînes de télé et de radio envoient sans hésiter je ne sais combien de pseudo-envoyés spéciaux pour couvrir la sortie du vieux beuglard opticien à Los Angeles. N'y a-t-il pas comme un léger décalage?
Ah, si, vous avez le grand JPP, à 13 heures sur télébouygues. Extraordinaires reportages sur la France profonde comme on l'aime, avec des gens biens blancs dedans, avec de "zolis assents" comme il faut, faisant des métiers passionnants pour certains, rares et utiles, certes, mais ô combien méprisés et caricaturés par ceux venus les chercher depuis Paris. Télébouygues étant égal à télésarko, on arrive lentement à une drôle de mise en abyme, du style les bouseux sont bien sympa, ils sont blancs, ils sont français, mais qu'ils restent chez eux quand même, nous on a des trucs sérieux à faire ici à la Capitale.
Mais en dehors de l'Ile-de-France, il y a toujours 55 millions de personnes qui vivent et qui pensent et qui inconsciemment n'attendent même plus qu'on pense à eux. Vous avez Lille, Lyon, Marseille ou Bordeaux. Vous avez aussi Brest, Nantes, Strasbourg, Rouen, Reims, Caen ou Dijon. Et vous avez aussi Cahors, Royan, La Rochelle Angoulême ou Périgueux ou Valenciennes ou Roubaix ou Chaumont et bien sûr j'en oublie mais le principe est là. Dans toutes ces villes de taille très variable, les possibilités données aux habitants de "s'épanouir", dans le sens le plus large du terme, sont très disparates selon les moyens et la motivation de l'équipe municipale. Mais s'il y a une chose dont je suis certain, c'est que ce n'est pas en citant Dijon une fois par an dans les journaux, cette année parce que l'affaire du petit Grégory va y être rejugée ou Angoulême à cause de son festival de BD que la condition des provinciaux va s'améliorer. La vie y est moins chère, par définition. Certes. Et encore pas partout. C'est un fait. Mais après?
Pourquoi, avec ses dizaines et ses dizaines de départements, il ne serait pas possible, pour chacun d'entre eux, d'avoir une meilleure visibilité? Non pas comme un parti politique, peut-être un peu pour le tourisme, mais surtout pour se faire connaître.
Mes parents habitent depuis 10 ans en Haute-Marne. J'y ai passé mon bac, et mon permis de conduire. C'est une terre magnifique, qui se dépeuple, faute d'investissements. Je mets avant tout 99% de mes lecteurs au défi de situer la Haute-Marne sur une carte de France. Ensuite, si je vous dis que cela se situe entre Reims, dans la Marne, et Dijon, en Côte d'Or, vous remettrez probablement mieux. C'est surtout connu par les gendarmes, car une des écoles de gendarmerie de France se trouve à Chaumont, et à cause de de Gaulle, qui s'est installé à Colombey-les-deux-Eglises après la 1ère Guerre Mondiale. Si Chaumont perd son Ecole, cela risque de sentir le pâté pour les finances. Il faut savoir que son maire, Luc Chatel est actuellement ministre de l'Education Nationale. Un homme d'une incompétence rare, mais fidèle au nabot, donc récompensé. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il n'est pas foutu de mettre sa ville en valeur aux yeux des Français et pourtant... Alors que Reims profite du TGV, Chaumont se voit éloignée de Paris par le rail d'une façon très triste et qui ne risque pas de s'arranger, vu que le nombre de trains disponibles diminue chaque année un peu plus.
Bref, je n'ai aucunement l'intention de faire la pub d'un endroit dont je préfère largement les paysages aux habitants (de droite décomplexée) mais je voulais donner Chaumont comme exemple caractéristique des risques encourus par la recentralisation, avec un maire membre important du gouvernement.
Maintenant que j'ai fait mon laïus, je pense que l'on peut appliquer ça au monde entier. Quand les yeux sont tous, tous braqués vers Washington ou Copenhague, qui se soucie, je sais pas, de l'été qui approche en Australie et qui risque d'être ravageur, ou du changement d'ère politique au Japon? Qui? Oui? Demandez-vous si vous savez le nom des dirigeants des deux pays que je viens de citer et peut-être que vous verrez ce que je veux dire. Il faut aussi savoir "parler" de l'Australie et du Japon. La première, pas uniquement quand des requins blancs croquent des mollets (litote) sur les plages. Le second, pas uniquement en cas de video débile ou de tremblement de terre catastrophique.
Pour continuer sur le Japon, et sans vouloir me tromper, je crois bien que le seul correspondant permanent est Philippe Pons, du Monde, avec aussi les journalistes de l'AFP j'imagine, j'espère. On lui laisse, et je suis gentil, quelques encarts par mois pour parler de tous les aspects extrêmement complexes de ce pays qui reste la deuxième puissance économique mondiale, en même temps qu'elle prend depuis 20 ans une place considérable point de vue culturel, auprès des jeunes notamment. C'est un bon journaliste mais il doit se sentir un peu seul, parfois.
Que ce soit Radio France ou France Télévisions, aucun de ces réseaux n'a les "moyens" ou les "besoins" d'avoir des journalistes présents constamment là-bas. Je ne parle même pas de télébouygues ou de téléachat6...
Allez savoir combien de journalistes français sont en Australie... Je n'aurais pas peur de dire aucun. La logique commerciale est là, magique et magnifique, soutenue de main de maître par la sacro-sainte "efficacité".
Bien sûr, à l'ère internet, quel besoin de se déplacer?
Lors de la première guerre du Golfe, les envoyés spéciaux français restaient à l'abri dans leur hôtel à regarder CNN, alors...
Bref, donc, quoi qu'il en soit n'oubliez jamais que cinq sixièmes des Français vivent ailleurs qu'à Paris. Et que dans l'injustice inhérente à notre société actuelle il n'y a pas de plus bel exemple de majorité silencieuse.