(résumé de situation: c'est la fête de Jûgatsu Muika. Liffey est avec sa fille et Néva alors que Rhône fait son apparition)
« Tu m’as beaucoup manquée ces derniers jours, tu sais? » dit-elle à voix basse, juste assez pour que cela ne devienne pas un murmure. Elle s’est placée à la frontière exacte entre les deux mondes: celui de l’intimité et l’autre. Liffey se sent comme une pile électrique en pleine charge. Elle a chaud.
« Moi pas » répond-elle aussi calmement que faire se peut. Mais déjà l’odeur de Rhône la traverse de part en part. Elle ne peut regarder nulle part, tant ses yeux la dirigent vers là où il ne faut pas.
« Si tu le dis, je veux bien te croire. » Nouveau sourire qui se laisse emmener aussitôt. Rhône penche très légèrement la tête sur la gauche et cligne trois fois des yeux sans quitter Liffey du regard. Le sourire réapparaît sous une forme plus évoluée, comme le flux d’une marée cherchant à bâtir la côte à sa convenance.
« Faut pas, Rhône, il faut pas, tu sais bien que Maman plaisante, elle a encore parlé de toi, hier soir. » intervient Tamise, très peu troublée par la raideur de Liffey. Des oeillères énormes lui brident l’imagination dès qu’il s’agit des sentiments que sa maman pourrait éprouver pour d’autres femmes que Clyde. Rhône éclate à moitié de rire.
« Ah bon? T’es gentille de me rassurer, ma puce. Un peu plus et je m’inquiétais...» Son visage et ses expressions pourraient être décrits comme un kaléidoscope dont la seule vocation serait de la rendre toujours plus désirable selon les circonstances et les interlocutrices. Un kaléidoscope diaboliquement efficace avec Liffey, qui chaque seconde passant lutte un peu plus contre ses pulsions et la chaleur qui lui serrent la gorge.
Elle n’arrive même plus à chercher à comprendre pourquoi il n’y a qu’avec Rhône qu’elle se sent ainsi. Salacité de l’instant. Même Clyde, même Clyde ne l’a jamais autant attirée par le passé. En simplifié, elle a envie d’elle à un point qu’elle ne contrôle plus que de façon très partielle ses pensées les moins avouables. Jusqu’à en souffrir. Ses joues et son front sont en sévère surchauffe. Son estomac se tord en des noeuds atroces. Ses seins et leurs extrémités se font trop sensibles pour pour son trop petit soutien-gorge. Ses bras ne seraient plus en mesure de porter quoi que ce soit et ses jambes la tiennent de moins en moins bien et entre elles elle ne sent plus rien qu’une peu ambigüe humidité caractéristique de ces heures où elle aimerait pouvoir se laisser aller comme jamais ou presque sa situation ne l’y autorise.
Le ciel plonge une nouvelle fois alors qu’un hoquet de frayeur traverse la place. Liffey en profite pour essayer de reprendre ses esprits un minimum.
« Les filles, allez chercher un peu Clyde. Je reste là avec Rhône. » ordonne-t-elle, avant de chercher du regard l’assentiment de cette dernière, qui lui donne sans plus réagir.
« Mais...»
« Pas de mais, Tam, pas de mais, tu fais ce que je te dis, si Clyde vient par ici, Rhône ou moi on la verra. Faites juste le tour de la place, ou allez voir chez elle, on vous attendra pour manger, d’accord? »
« Bon, d’accord... » acquiesce Tamise, regardant pour sa part Néva qui n’aurait pas su quoi répondre d’autre.
« Tiens, donne-nous un des parapluies et gardez les autres au cas où. »
La convergence des regards se refocalise direct, pendant un instant qui serait court pour celle qui n’en est pas le centre, sur les fillettes et leurs mères respectives. Tam et Néva, accrochées psychiquement l’une à l’autre comme à une bouée, s’éloignent et font de leur mieux pour ne plus y prêter attention. Liffey et Rhône ont des préoccupations plus terre à terre.
« Pourquoi tu veux plus me voir ? » commence la première.
« Tu plaisantes ? C’est toi qui a des scrupules par rapport à Clyde. »
« Quoi ? Arrête un peu, dans tous tes messages, tu me dis que t’as trop de choses à faire, que t’es fatiguée, que c’est pas sérieux... »
« Et toi t’es pas capable de me dire que t’as vraiment envie qu’on se voit ? T’oses pas lui en parler, tu l’as même pas encore fait, je parie. Vous n’avez pas rompu et c’est ça qui me fait du mal, à moi, si tu tiens à savoir. » Rhône parle bas mais fermement, sans s’énerver un seul instant, sûre de ce qu’elle avance.
« Non, je lui en ai pas parlé, mais elle voudra jamais l’entendre, il est là le problème. Et puis je pense à ma fille, aussi, vois-tu. Elle adore Clyde et pourrait difficilement se passer d’elle. » répond Liffey, le plus calmement possible, pour ne pas attirer l’attention, ce qui est évidemment superflu. A part Clyde qui refuse de l’admettre, « toute » l’île sait que Liffey et Rhône ne font pas que « bien s’entendre ».
« Ca, je sais. Tamise passe avant tout, et c’est normal, mais arrête de te mentir à toi-même, et arrête de l’utiliser comme excuse, la pauvre! »
« Je te permets pas de dire ça ! Le problème vient aussi du fait, t’auras remarqué, que Tamise et Néva s’adorent et que ça complique les choses, d’une certaine façon... »
« Arrête de revenir sur des choses que je sais déjà ! Moi, je veux que tu me dises que tu vas dire à Clyde que c’est fini entre vous. Si tu m’aimes, c’est ce que tu dois faire. Sinon c’est avec moi que ça sera fini. Point. C’est aussi simple que ça. » continue la jeune femme, toujours calme ou plutôt, tâchant de le rester.
« T’as pas le droit de dire que c’est simple ! Tu sais ce qui nous lie toutes les deux avec Clyde, je te l’ai raconté, alors t’as pas le droit de me dire, comme ça, toute froide, que c’est simple! » très triste soudain, Liffey ne peut pas ne pas hausser le ton.
« Arrête un peu ton cinéma. Je suis désolée, oui, c’est dégueulasse, c’est inhumain ce que je te dis. Mets le sur le compte de la fatigue. Je suis épuisée... C’est pas une blague, c’est pas pour faire semblant. Je suis épuisée, et c’est la fatigue qui parle, là. Désolée... » fait Rhône, toujours calme prenant les mains de Liffey, qui se laisse faire.
« Qu’est-ce qui te fatigue comme ça ? La fête ? » pose Liffey, après un silence probablement long pour les deux jeunes femmes et celles qui les regardent.
« Non, pas vraiment, ça c’est plutôt motivant... »
« Alors c’est quoi ? »
« C’est rien... Oublie... »
« Ah non, je supporte pas, ça ; tu me dis ce qui va pas ou je vais vraiment me fâcher. Ca sert à rien de dire les choses à moitié. »
« ... Tu crois ? »
« Oui, j’en suis certaine ; alors ? » nouveau long silence.
« C’est Néva... elle... m’épuise. Je sais plus quoi faire. » lâche-t-elle, embarrassée.
« Eh bien ? Qu’est-ce qu’elle a Néva ? » s’impatiente Liffey.
« Elle a que... je me rends compte que je sais pas la gérer. »
« Comment ça ? Elle est adorable, tout le monde le dit, et moi aussi ! »
« Ca oui, elle est adorable, mais est-ce que tu sais ce que c’est de vivre avec une petite qui ne dit rien ? Ma fille ne me dit rien, elle ne me raconte pas ce qu’elle pense, ce qu’elle veut, ce dont elle rêve. Tout ce qu’elle fait c’est attendre mes initiatives. »
« Et c’est ça qui te fatigue ? Tu sais ce qu’on dit, hein, le ciel est toujours moins gris par la fenêtre du voisin... »
« Non, c’est pas tout... Dis-moi, est-ce que... Tamise a des problèmes... » Rhône ne semble pas trop vouloir énoncer des mots que la place pourrait entendre.
« Des problèmes de quoi ? » s’inquiète maintenant Liffey.
« D’incontinence nocturne. » réussit-elle à articuler. Alors qu’un nouveau silence se crée Liffey essaye de ne pas rire faussement et de ne pas trop prendre l’interrogation de son amie à la légère.
« Alors c’est tout ? C’est ça qui te perturbe ? Le fait que ta fille fasse pipi au lit ? »
« C’est fatiguant, tu sais. Avant, elle me réveillait et on devait tout changer, après elle a eu peur que je la gronde, donc elle disait rien et je m’en rendais compte le matin, et c’était pire. Et en ce moment, c’est à un tel point que c’est moi qui en dort pas la nuit, crois-le ou non mais je la sens et je sais qu’elle va faire pipi et donc je la réveille je la lève et je lui dis d’aller aux toilettes. »
« Je suis pas sûre que ce soit la bonne solution... » tempère Liffey.
« Je sais, mais si t’en as une autre, je t’écoute. Mais j’imagine qu’avec Tamise t’as pas ce problème, elle est tellement parfaite. » ironise Rhône ce que Liffey n’apprécie pas du tout. Elle lâche la prise que Rhône a de ses mains.
« Je t’interdis de dire des conneries pareilles ! Non, Tamise est pas parfaite, non elle fait pas pipi au lit, mais oui elle a ses problèmes que je dois gérer aussi et dont t’as pas idée ! Si t’es en train de me dire que t’es jalouse, ben t’es pas maligne ! » s’énerve-t-elle. Une poignée de paires d’yeux se braquent une nouvelle fois sur le couple.
« Oui, j’avoue, je suis un peu jalouse des relations que t’as avec ta fille. Mais je fais des efforts avec la mienne pour que ça s’arrange. » calme Rhône, qui reprend les mains de Liffey dans les siennes.
« Ca a toujours des causes psychologiques, chez l’enfant, est-ce qu’elle a toujours fait ça ? »
« Non, bien sûr que non, ça l’a reprise il y a 2 ans, quand elle a commencé la grande école, et là, il y a un peu moins d’un mois depuis que... » s’interrompt-elle, les yeux écarquillés.
« Depuis qu’elle se rend compte que nous couchons ensemble. » finit Liffey.
« Merde, tu me croiras pas si je te dis que j’avais encore jamais le rapprochement. Je suis une mère indigne ! »
« Mais non, c’est comme à chaque fois que tu prononces, que tu énonces tes soucis, y’a des aspects de ses soucis qui deviennent plus clairs, c’est normal. » tempère Liffey encore une fois.
« Et qu’est-ce qu’on va faire, alors ? »
« Comment ça qu’est-ce qu’on va faire, qu’est-ce que TU vas faire ! Tu vas parler de ta relation avec moi à ta fille de la même façon que je vais en parler à la mienne et à Clyde. » résume parfaitement Liffey.
« Et si je fais ce que tu me dis de faire, tu me promets qu’on arrivera enfin à passer du temps rien que toutes les deux ? » Rhône essaye de plaisanter sur la forme en restant sérieuse dans le fond. Elle s’approche doucement et se frotte avec tendresse à son amie
« On verra si t’es sage... »
« Méchante ! »
« Merci du compliment. »
« Tu parlais d’énoncer les choses, mais t’es même pas capable de me dire que t’as envie de m’embrasser. »
« Et toi tu pourrais ? »
« Moi je pourrais te dire de mettre ta main dans ma culotte pour te prouver que je me contenterai pas d’un bisou, mais les autres penseraient que ce serait indécent, surtout ici, et c’est vrai qu’elles auraient raison. » explique Rhône, d’une voix si basse qu’elle est obligée de se rapprocher de façon tout aussi indécente de son amie.
« Là où tu trompes, c’est que j’ai jamais eu besoin de ton autorisation pour mettre ma main dans... »
« Tiens, je me disais que ça faisait longtemps que j’avais pas vu Rhône ! » crie Clyde en riant jaune alors qu’elle s’approche du couple qui lui, se désolidarise immédiatement.
Le malaise général est plus que perceptible entre les trois jeunes femmes et il infecte la place. De ces trois personnes admirées et craintes on craignait surtout une altercation qui pourrait démarrer sans que personne ne le veuille réellement. A l’exception du Jeu, la violence verbale et physique a toujours été proscrite à Ishijima. D’une façon unanime.
En théorie.
Inutile de vous expliquer combien je ne suis pas satisfait de mon rythme de travail. La tournure de l'histoire en elle-même me plaît, mais je n'ai aucune idée de l'équilibre final des chapitres. En même temps, je vous avais prévenu au début, donc je serai j'espère à moitié pardonne. Pour le reste, mes excuses sont, cette fois-ci, un torticolis qui me bouffe toute la gauche de la nuque de façon complètement désordonnée (en gros je sais pas du tout quelle position me fait du bien) depuis une semaine, et un véritable pétage de plombs hier pendant la journée qui avait pourtant bien commencé, et qui s'est finie lamentablement comme jamais. Le pire c'est que je m'en suis pas encore relevé. Bref, vous vous en foutrez et vous aurez raison, oui.
Bonne lecture et à bientôt peut-être, pour la suite de ce chapitre 4 qui va être plus long que prévu, donc.