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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 02:28

   Je suis autre.
  Je suis autre, je ne suis qu’un pantin. Oui, imaginez une marionnette désarticulée, suspendue à ses fils contre un mur, prête à se voir jetée. Depuis mon arrivée dans ce pays je sens comme de gros câbles me tirer sur l’âme. Je ne suis qu’un pantin et j’ai froid, très froid, parce que mon heure approche. Là où normalement en été les caniveaux existent la neige s’empile, grisâtre, noire même, par endroits. Sur les routes les taxis passent et repassent, démarrent redémarrent s’arrêtent et repartent, alors que sur les trottoirs fumants les gens marchent comme si ce qui les attend à l’autre bout du trajet justifiait quoi que ce soit. Et moi je marche avec eux, en rythme, je me soumets à cette énergie inconnue qui me contrôle depuis des temps immémoriaux. Immémoriaux à mon échelle…
   Je ne suis plus à la recherche de quelconques repères. Je sais bien qu’ils ont volé en éclat à l’instant même où j’ai posé le pied dans cette ville. Et puis les condamnés n’ont jamais eu besoin de repères. Non, je veux juste rencontrer mes créateurs. Je veux me confronter à eux de la même façon que j’ai été confronté à toutes sortes de monstres possibles et imaginables. Je veux leur expliquer combien je rêve du jour où je serai libre. Avant qu’il ne soit trop tard…
   Le problème est que je ne sais pas où ils sont. Loin, j’imagine, loin au sud. Quelque part où il est peu probable qu’on me laisse le temps d’aller. J’ai compris que les intérêts de celui celle ou ceux qui me contrôlent et les aspirations des gens qui m’ont créé sont divergents, pour ne pas dire opposés. J’ai aussi compris que les personnes qui me manipulent savent se montrer d’une redoutable ingratitude. À travers mes yeux ils ont convoité et calculé les profits qu’ils auront pu tirer de mes découvertes. Par ma bouche ils ont régi mon entourage immédiat et en ont détruit l’équilibre que je m’étais efforcé, tant bien que mal, de lui donner. Par mon bras ils ont éliminé tous les obstacles qui se dressaient sur leur chemin. Mais aujourd’hui jamais ils ne se retourneront pour voir si je tiens encore debout, jamais ils ne feront l’erreur de me laisser agir par moi-même, de me considérer comme un être de chair et de sang. Parce que je suis autre.
   Je suis autre et je sens les doigts gelés de ma main gauche partir. Bientôt ils  commencent à gangrener jusqu’à l’épaule. J’ai du mal à croire que ce soit déjà la fin. J’ai beau me concentrer je ne parviens pas à être triste. Ce monde n’est pas vivable pour les gens de mon espèce, tout simplement. Au cours de mon existence j’aurai affronté des créatures de cauchemar, survécu à des pièges tous plus vicieux les uns que les autres, traversé des déserts et des océans, écumé d’insondables donjons, levé des armées entières, mais l’atmosphère même de ce monde, ce soit-disant monde réel me brûle à feu vif, sans que je puisse rien n’y faire, sinon me résigner, accepter mon sort.
   Je me demande juste si je parviendrai à connaître le nom de cette ville. Je n’ai fait que marcher le long d’une avenue très large au milieu de laquelle s’étend un parc bordé d’arbres chauves. La nuit est très sombre. Le bruit des voitures couvre les crissements de la neige sous mes pas. De ces crissements, seules en restent les vibrations qui me remontent jusqu’à la mâchoire. Devant moi se dresse une grande tour ornée d’une antenne de télévision. À ma gauche au bout de l’avenue perpendiculaire à celle sur laquelle je me trouve on peut apercevoir un bâtiment qui m’a tout l’air d’une gare. À droite s’étend la même avenue, au milieu d’immeubles tellement lumineux qu’ils m’en font mal aux yeux.
   Dans mon monde, dans un moment pareil, il y aurait au moins un tremblement de terre. le ciel s’ouvrirait et un gigantesque dragon apparaîtrait. Mais ici, rien de tel. Je suis un pantin inutile, dressé pour le combat et voué à disparaître en période de paix. Je réalise enfin que je n’aurai jamais assez de temps. Je n’avance plus. La petite foule de passants ne me voit pas. À côté de l’entrée du métro un jeune homme, frigorifié, joue de la guitare et chante à tue-tête comme si sa vie en dépendait. Il fait trop froid, personne ne prend la peine de l’écouter, sinon deux lycéennes effrayées à l’idée de rentrer chez elles. Un peu plus loin une marchande de maïs frit se frotte les mains.
   Combien de temps me reste-t-il encore ? Après mes bras ce sont mes jambes qui commencent à mourir progressivement. S’il faut que je parte, autant que ça ne traîne pas, je commence sérieusement à souffrir. Mais ceux qui me contrôlent n’ont aucune pitié. Ils attendent un déclic de ma part. Et ce déclic ne tarde pas.
   Derrière moi un rire d’enfant perce soudain dans le grondement de la ville. Je me retourne. C’est celui d’une petite fille d’environ 6 ans, les joues rosies par le froid, souriante aux confins du bonheur, et plus mignonne qu’un ange. Sa mère à sa droite et son père à sa gauche la tirent gentiment par les bras et la font se balancer d’avant en arrière. Je les regarde passer puis s’éloigner tous les trois, et m’écroule.
   Rien ne m’aura été épargné. Même pas l’horrible sensation de se rendre compte une fois de plus du vide de mon existence orpheline. Pourquoi se battre pour sa liberté si on a à l’origine personne avec qui la partager ?
   Je suis étendu au milieu de l’allée principale du parc. La neige humide s’immisce en moi jusqu’aux os. Engourdi au point d’en perdre la notion du temps, je ne sens plus que ma tête, bouillante. Ma vie se termine alors que mon esprit se libère enfin. Le sifflement des feux de signalisation devient soudain la dernière chose qui me liera à jamais à ce monde.

 

 

 

 

 

 

(depuis les débuts de ce blog je vous ai très rarement imposé mes vieux trucs. Mais là je fais une petite exception. J'ai écrit ça en 2006, et j'ai mes raisons pour le mettre en ligne aujourd'hui. Avec toujours comme espoir bien sûr que ça puisse vous plaire malgré tout.)

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 04:04

(première partie du texte ici)

 

 

 

Je ne sais pas ce qui lui a pris. Je ne suis pas sûre qu’on puisse jamais avoir le recul ou l’expérience nécessaire pour comprendre ces petites histoires qui font ce que nous sommes. Et donc, je ne saurais dire ce qui lui a pris. Nous nous connaissions par Camille, une copine à moi. Son nom à lui, c’était Julien. J’avais 17 ans et lui 16. C’était à la toute fin des années 90 et il était plutôt mignon, je pense. Grand, avec des yeux gigantesques, très sombres. J’ai toujours craqué pour les grands yeux. C’était tout sauf un tombeur, mais il faisait partie de ces garçons pour qui certaines finissent par avoir le béguin, voire éprouver un certain désir. Comme moi. J'assumais et j'assume toujours. Cela faisait deux mois que nous trainions ensemble. Pour résumer, nous aimions les mêmes choses et nos humours concordaient. J’étais en terminale et lui en seconde. Je pense que de cette différence naissait une sorte de respect pour moi qui m’arrangeait bien, évidemment.
Et malgré ce respect qui pourrait ressembler à un début d’explication, je ne sais pas ce qui lui a pris. Une heure avant nous étions en train de discuter devant le portail du lycée. Et j’aurais dû le laisser là, pour le retrouver le lendemain. Mais je crois bien que je me sentais seule. J'assumais et j'assume toujours. Et puis il me plaisait je l’ai dit. Nous étions tous les deux très fan des Simpson. D’un coup comme ça je lui ai proposé avec le plus de détachement possible de venir regarder chez moi les épisodes qu’il avait loupés. Il m’a répondu qu’il avait des devoirs à finir pour le jeudi suivant. Mais je n’eus que peu de mal à le convaincre. J’imite parfaitement Homer.
Je ne sais s’il s’attendait à quoi que ce soit. S’il se faisait les idées qu’ils aurait dû se faire. Je ne sais pas si une érection l’a gêné au moment où il me figurait nue. Je ne savais pas encore si cela serait sa première fois.
La mienne n’avait absolument rien de fondamental et je ne tiens pas à en parler. Mes expériences précédentes non plus non rien à voir avec ce qui m’amène ici. Pour l’instant je suis sur Julien. Pas encore littéralement mais ça ne saurait tarder.
Je sais pourtant comment ça a commencé. Une heure avant nous étions en train de discuter à la sortie du lycée et parce que j’avais envie de sexe je l’ai invité à venir regarder les Simpson chez moi.
Et j’ai fait en sorte que nous ne lancions pas un seul épisode. Je sais comment ça a commencé parce que c’est moi qu’il l’ai dirigé vers ma chambre. Je sais comment ça a commencé. J’étais assise à mon bureau et lui sur mon lit. Nous nous sommes mis à parler de Camille. Je sais qu’elle lui plaisait beaucoup et le soupçonnais de s’être rapproché de moi pour lui mettre le grappin dessus au final. Mais je ne lui en tenais pas rigueur. J’ai surtout et avant tout envie de faire l’amour. De plus je crois que c’est lui qui a abordé le sujet. Et puis nous avons comparé nos goûts musicaux. Je me suis moquée de lui parce qu’il était très fan des Cranberries, des Stereophonics et de U2. Je lui ai conseillé plutôt Radiohead ou PJ Harvey. PJ Harvey à qui Camille ressemblait pas mal, d’ailleurs.
Je sais comment ça a commencé. Comme il était trop peu entreprenant je suis venue m’asseoir à côté de lui sur mon lit. Il m’a fallu patienter de longues minutes apparentes pour qu’il daigne m’embrasser. Mal à l’aise il l’était. D’où mon léger malaise à moi aussi. J’ai vite senti son érection et ai décidé de me déshabiller rapidement, puisqu’il ne semblait pas à même de le faire lui-même. Dans le même mouvement je l’ai déshabillé lui aussi et son attitude de petit garçon pas sûr de lui m'a touché. Je savais maintenant que je n’étais pas sa première, mais nos mouvements s’accordaient comme nos goûts et nos visions. La confirmation était faite que je n’avais aucun regret à nourrir de l’avoir laissé rentrer chez moi, dans ma chambre. Plus aucune peur de m’ouvrir à lui. Il me plaisait, il était drôle, célibataire, et j’avais envie de faire l’amour.
Je sais exactement pourquoi et comment ça a commencé. J’avais envie de faire l’amour et il me plaisait et il était drôle et célibataire et mes parents et mon frère pouvaient rentrer d’un instant à l’autre. Le temps nous était donc compté.
Il ne m’a pas donné l’impression de vouloir trop que je le touche où que ce soit mais lui-même s’est vite retrouvé la tête entre mes cuisses après m’avoir léchée partout. J’ai apprécié de suite, probablement un peu trop pour sonner la pause capote que - irresponsable à l’excès - je n’étais même pas sûre d’avoir envisagée à la base.
Il m’a pénétrée au moment où je l’attendais et se renforça comme il le fallait. C’était extrêmement agréable et je n’ai eu avant l’orgasme guère de temps pour les soi-disant traditionnelles pensées intrusives pendant l’acte. Sinon que j'ai remarqué qu’il restait fixé sur mon ventre et mes seins sans sembler tenir à croiser mon regard. J’aimais ses yeux et trouvai cela un peu dommage et soupçonnai qu’il soit en train de songer à Camille et à comment il aimerait lui faire ce qu’il était en train de me faire. Je ne lui en voulais pas, et souriait en cherchant à me convaincre que des milliers de garçons auraient vendu leur mère pour être à sa place. Pour ma part à ce moment précis je me voyais mal avec quelqu’un d’autre que lui. Je n’étais aucunement amoureuse. J’avais simplement envie de faire l’amour avec quelqu’un qui me plaisait et en jouir pendant que je le pouvais. Il a tenu je dirais cinq - suffisantes - minutes et j’ai donc joui comme j’y tenais. Lui au dessus de moi, puis moi au dessus de lui, puis lui au dessus de moi.

Malgré cela je ne sais pas ce qui lui a pris. Une heure avant je prenais les devants pour le tirer jusque dans ma chambre. Puis étais parvenue à mes fins avec la plus grande classe. Puis il s’était décidé enfin à me manipuler comme je l’attendais.

Je ne sais pas ce qui lui a pris, non. Alors qu’au bout des cinq minutes je sentais remonter un orgasme en parallèle de ses coups de reins qui se faisaient plus amples, son pénis s’est extrait de mon vagin, comme cela arrive parfois, et c’est à ce moment précis qu’il a éjaculé en masse. Sur moi.
Je ne sais pas ce qui lui a pris, mais je sais exactement comment tout ça a commencé. J’avais besoin de sexe, je l’ai amené chez moi en prétextant regarder des épisodes des Simpson, j’ai usé de mes charmes, et malgré son amour pour Camille c’est moi qui me suis retrouvée sous lui et son sperme.
« La vache... »
Ce sont les mots que je n’ai pu retenir. Du moins, à peu près ces mots, je crois. J’ai toujours trouvé le sexe trop sérieux. Avec Julien pourtant je comprends, je n’étais pas si sûre de moi qu’il l’aurait fallu. Je n’ai pas réussi à finir la phrase. Je voulais simplement être drôle et gentille. Je me disais qu’il se dirait qu’il n’avait pas duré assez longtemps ou ce genre de choses et je tenais dirons-nous à le rassurer.
Il y en avait partout sur les draps sur mon ventre sur mes côtes et mes cuisses. J’en ai même senti sur mon nez. Il avait vraiment éjaculé une grande quantité de sperme. Et même si j’imaginais tout à fait qu’avec son caractère il n’arriverait pas à s’en vanter, je n’aurais jamais pu concevoir que ce détail le bloquerait de la sorte. Comme pétrifié par la vision de mon corps couvert d’une malédiction mortelle.
Je ne sais pas du tout ce qui lui a pris. Ni la valeur de ce qui venait de se passer entre nous à ses yeux, ni la nature des idées qui lui ont traversé le crâne alors qu’il se tenait en arrêt, penché sur moi entre mes cuisses que ses bras maintenaient en l’air.
Je ne saurai jamais. Je suis à peu près résignée maintenant. 

Il devait y avoir de la honte, forcément. Mal placée et superflue, mais honte quand même. Cette honte de ne pouvoir résister à ses instincts de mâle, quand bien même vos sentiments de mâle vous dirigent vers une autre personne qui n’est pas votre conquête de l’instant, mais une fille moins populaire. Une fille gentille, douée, talentueuse, mais aveugle et sourde face à vous en tant que garçon ou homme.
Il devait y avoir le dégoût de lui-même et de sa faiblesse.
Il devait y avoir un certain dégoût à mon égard aussi. Une déception.

Il n’a plus dit le moindre mot. Ni même pardon, ni même au revoir.
Il s’est habillé d’une traite et m’a plantée là, comme un violeur. J’étais pégueuse de lui et de lui seul. Je n’ai pas réussi à le retenir et il ne m’a plus jamais adressé la parole. Je n’y suis jamais parvenue non plus.

Je ne sais pas ce qui lui a pris. Je sais exactement comment ça a commencé mais je ne saurai jamais ce qui lui a pris. Je ne saurai non plus jamais comment ça aurait pu finir sinon.
Parce que ça aurait pu finir exactement comme ça a commencé, mais juste un peu plus tard. Avec l’automne puis avec l’hiver, nous deux à la sortie du lycée main dans la main. Lui qui rit à mes imitations d’Homer. Lui qui me fait oublier les quelques ceux d’avant qui m’ont fait tout ce mal au coeur. Camille qui nous regarde bizarrement à la cantine. Lui qui oublie progressivement Camille. L’envie abrupte de le retrouver entre le cours de maths et le cours de philo. L’envie encore plus abrupte de faire l’amour avec lui dans l’enceinte du lycée. Moi qui rit à cette vision qui lui ressemble tellement peu.
Moi qui l’éduque musicalement. Et sexuellement.

Ses mains. Et ses grands yeux quand ils se décident enfin à vous regarder en face au moment où vous jouissez de lui.

L’amour fragile qui pourrait mourir sans ombrage au printemps.

Mais tout cela n’existera jamais. Parce que le silence. Son silence. Et votre léger énorme sentiment d’abandon. Malgré vos efforts. Malgré le premier pas. Malgré la tendresse réelle cause et conséquence du désir. Son départ. Ou plutôt sa fuite. Et son silence donc. Puis plus rien.

 

L'instant d'avant il ne vous a pas pénétrée, l'instant d'après si. L'instant d'avant vous avez encore une sorte d'avenir ensemble. L'instant d'après non.

 

Je ne saurai jamais ce qui lui a pris.

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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 03:12

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Même avec le recul et l’expérience je ne saurais dire ce qui m’a pris. Une heure avant nous étions en train de discuter à la sortie du lycée. Nous nous connaissions par cette fille dont j’ai oublié le prénom. Son nom à elle, c’était Agathe. J’avais tout juste 15 ans et elle 17. Elle n’était pas particulièrement jolie mais possédait ce genre de corps qu’on oublie pas. Celui que vous fantasmez habillé, et que nu vous gardez jalousement comme une perle brute au fond de vos souvenirs les moins catholiques. Cela faisait deux ou trois semaines que je voyais que nous nous rapprochions. Par rapprocher je veux dire que nous riions ensemble et avions les mêmes références, malgré notre différence d’âge. J’étais en seconde et elle en terminale.
Malgré cela je ne saurais exactement dire ce qui m’a pris. Une heure avant nous étions donc en train de discuter devant le portail du lycée. Et nous aurions dû nous y séparer jusqu’au lendemain. Mais au moment de se dire au revoir Agathe m’a demandé si par hasard j’avais beaucoup de devoirs pour ce même lendemain. Je lui ai répondu sans malice que non. Nous étions mardi en plein automne et le mercredi n’avait rien d’une journée chargée chez moi. Sans compter que jamais je n’arrivais à prendre de l’avance sur ce que j’avais à faire.
Je parlais plus haut de références communes et l’une d’entre elles est que nous étions tous deux de grands fans des Simpson. Elle enregistrait religieusement les épisodes et me proposa de venir regarder chez elle ceux que j’aurais manqué. Nous étions - faut-il préciser - encore aux débuts du téléphone portable et d’internet à grande échelle. Je ne me fis pas prier, et n’eus même pas la présence d’esprit de me créer des arrière-pensées. Et je n’en eus pas vraiment le loisir ou le temps non plus d’ailleurs. Ce n’est pas comme si elle m’avait sauté dessus, non. Ce n’est pas tout à fait comme si c’était ma toute première expérience avec une fille non plus, d’ailleurs.
Ma première n’avait rien de fondamental et je ne tiens pas à en parler ici. Pour l’instant je suis sur Agathe. Pas encore littéralement mais ça ne saurait tarder.
Je ne sais pas comment ça a commencé. Une heure avant nous étions en train de discuter à la sortie du lycée et elle me proposait de venir regarder les Simpson chez elle.
Nous n’avons pas lancé un seul épisode. Je ne sais pas comment ça a commencé mais nous nous sommes retrouvés dans sa chambre. Je me souviens que j’étais assis à son bureau et elle sur son lit. Nous nous sommes mis à parler de cette fille dont j’ai oublié le nom pour je ne sais quelle raison. Puis de PJ Harvey et Radiohead sans transition, sinon peut-être que cette même fille lui ressemblait un peu. À PJ Harvey.
Soudain elle s’est levée et elle m’a embrassé, l’air plutôt sûre de ce qu’elle faisait. Moi beaucoup moins évidemment, et c’est pour ça que je me suis laissé faire. Je n’étais pas mal-à-l’aise non plus je pense, juste un peu surpris.
Ici je dois préciser quelque chose d’important. A cette même époque j’étais complètement obsédé par une autre fille, Pauline. Elle était dans ma classe et à grand mal j’étais petit à petit arrivé à lui adresser la parole de façon naturelle. Je déprimais passablement parce que malgré sa gentillesse elle restait plutôt indifférente à mes sentiments.
Je ne sais pas vraiment comment ça a commencé. Agathe m’a embrassé et c’était extrêmement agréable. L’érection me vint très vite et elle chercha aussitôt à m’en soulager mais je la repoussai sans violence. Je craignais qu’elle puisse me mordre. Chacun ses phobies.
Elle avait plus d’expérience que moi - ce qui n’était pas très difficile, de fait - mais malgré cela, je pouvais voir qu’elle faisait un minimum semblant d’être à l’aise. Ce qui était presque touchant, parce qu’avec ses 2 ans de plus que moi elle cherchait à faire sa grande, un peu comme une petite fille expliquerait un jeu à plus petit qu’elle. Je me rendais compte à quel point elle était adorable et qu’elle n’avait rien d’une chaudasse comme mes intelligents camarades de classe se plaisaient à définir les jeunes filles entreprenantes.
Entreprenante, elle l’était ce qu’il fallait. C’est moi qui l’ai déshabillée entièrement, fasciné. La nature l’avait dotée d’un corps parfait. Un corps qui sentait merveilleusement bon de partout et que j’auscultais avec excitation et intérêt grandissants.
Une heure avant à peine nous sortions du lycée et j’étais maintenant la tête entre ses cuisses.
Elle me souriait beaucoup et l’humidité entre ses jambes amplifiait. Tellement d’excitation donc qu’au moment de la pénétrer je pensai surtout à me calmer et en oubliai le préservatif qu’elle aurait pu avoir sur elle. Cet objet qui n’avait rien d’évident pour moi à l’époque, surtout en «urgence». Elle ne devait pas avoir envie de traîner non plus j’imagine.
Ses parents et sa soeur étaient absents et elle en avait profité, sans savoir vraiment vers quelle heure ils rentreraient. Quoi qu’il en soit il n’y avait pas de temps à perdre et nous n’en perdions pas. Pourtant alors que je prenais le rythme je ne pus m’empêcher de voir Pauline à la place. Je ne connaissais pas encore le sens de l’expression « pensées intrusives » mais j’étais en plein dedans.
Bien que mes moyens de comparaison manquaient, je trouvais qu’Agathe était serrée comme il fallait. Elle avait en outre l’attitude ni trop exubérante ni trop coincée qu’il est parfois utile d’attendre d’une jeune fille. J’étais rivé les yeux sur ses seins magnifiques. Petits et pleins. Et sur son ventre gracile et soyeux. Et c’était une chance pour moi qu’elle soit si bien faite parce je n’arrivais pas à la regarder dans les yeux, par peur d’y retrouver Pauline. Nous avons changé deux fois de position. Je ne saurais dire si j’ai réussi à la faire jouir, mais je reste aujourd’hui assez fier de moi d’avoir tenu une petite dizaine de minutes. C’est bien peu de chose comparé à ce qui suit.

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Une heure avant on m’aurait dit que j’allais avoir une relation sexuelle en bonne et due forme avec une aussi belle fille qu’Agathe je n’y aurais jamais cru.
Alors que j’arrivais tout au bout de ce que j’avais à faire, mes mouvements prirent de l’amplitude. Un peu trop. Et pile au moment fatidique mon sexe sortit du sien et lâcha tout ce qu’il avait à lâcher de la façon la plus ostentatoire possible dans un peu toutes les directions.
Je ne savais toujours pas comment ça avait commencé. Nous devions regarder des épisodes des Simpson, j’étais amoureux de Pauline, mais je me retrouvais avec sous moi le ventre d’Agathe arrosé de mon sperme gras.
« Hé bé... » fit-elle en riant à moitié, sa pudeur relative l’empêchant de finir sa phrase.
Il y en avait partout. Sur les draps, sur ses poils pubiens, même dans son nombril. Ca avait giclé jusqu’entre ses seins et moi j’étais tétanisé d’un coup. J’étais amoureux de Pauline. Je savais qu’il n’y avait aucun espoir pour moi de conclure avec elle mais j’étais amoureux de Pauline, pas d’Agathe. Il paraît qu’un homme ne regrette jamais après l’acte. Un homme regrette simplement les actes qui n’ont pas eu lieu.
Je ne dérogeais pas à la règle. Je me confortai dans l’illusion que je ne dérogeais pas à la règle. Agathe avait été mienne quelques grandioses minutes et j’en étais heureux mais maintenant c’était fini. J’avais fini. J’étais muet. Et j’étais de toute façon amoureux de Pauline. C’est avec elle qu’il m’aurait fallu faire ce genre de choses.
Agathe n’attendait rien de particulier de moi. Je suppose que nous nous sommes utilisés l’un l’autre, dans une banalité affligeante. Moi pour me créer une expérience, elle pour la mettre en pratique.
Mais j’étais amoureux de Pauline, et sous moi le ventre couvert de mon sperme m’apparut comme une insulte à ce que je croyais être. Quelqu’un de bien. Un mec de 15 ans qui voulait juste voir un épisode des Simpson chez une copine. Un mec avec un tant soit peu de conscience et d'estime de soi ou de ses propres sentiments. Un mec honnête. Un amoureux transi comme tellement d’autres qui n'a pas besoin de bouche-trou, aussi ravissant soit-il.
Je n’ai pas réussi à prononcer le moindre mot. A peine désolé et au revoir.

Je m’habillai en hâte et laissai Agathe telle quelle, souillée par moi.

Elle ne me retint pas mais plus jamais je ne réussis à lui adresser la parole.

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Du début à la fin je ne sais pas ce qui m’a pris. Ca commence avec l’automne, une jolie fille à la sortie du lycée, les Simpson. Puis l’autre fille qui ne quitte jamais vos pensées. L’instant d’avant vous êtes puceau puis celui d’après vous ne l’êtes plus. Et rien n’a changé. Les lèvres de la jolie fille. Ses seins et son vagin. L’indifférence de l’aimée. Son ventre couvert de votre sperme. Son sourire complice. Et puis le silence. Votre silence. Plus rien.

Je ne sais pas ce qui m’a pris.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 00:53

Derrière lui un grognement étrange. Devant lui des miaulements indistincts. A sa gauche une vache qui sent très fort. Elle meugle doucement. A sa droite un crocodile très mignon.

Il sourit (le crocodile).

Notre héros est retenu en otage au milieu d'une sorte de grange. Il ne sait pas depuis quand. Il s'est endormi plusieurs fois. Il ne se sent pas trop mal.

 

Il se baladait dans la Bretagne profonde, de nuit, et une ombre l'a surpris. Il a dévié de sa trajectoire et s'est retrouvé dans le fossé. Un peu sonné, il a retiré sa ceinture de sécurité, et ouvert la portière. Là, il se souvient avoir entendu un grand "meuh", un coup sur la tête, puis plus rien.

Effectivement, il semble avoir une belle bosse.

 

Un crocodile, dans une ferme en Bretagne ? C'est n'importe quoi.

 

Soudain un grand spot en pleine face l'éblouit. Il distingue un grand berger belge noir - un chien, type groenendael, notre héros s'y connait - qui s'approche avec un papier entre les dents.

 

Notre héros est assis par terre jambes tendues contre un mur en bois, les mains attachées dans le dos. Le chien pose délicatement le papier à côté de lui, assez près pour qu'il le lise.

Ses yeux s'habituent à la lumière, et il aperçoit une petite caméra, quelques mètres devant lui, avec son petit point rouge qui dit qu'elle enregistre.

Le chien s'éloigne et d'un wouf ferme et assuré lui demande de commencer à lire.

 

Notre héros s'éclaircit la voix, et fais de son mieux pour garder son calme.

 

"Je m'appelle Régis Régisson. J'ai 38 ans. Je suis commercial dans l'agroalimentaire et apparemment, j'ai été pris en otage par des animaux de la région - le crocodile lui fait des grand yeux étonnés - ou presque. Je vais maintenant vous lire leur déclaration."

 

Il s'éclaircit à nouveau la voix, regarde la caméra puis baisse les yeux vers la feuille.

 

"Nous, le Front Animal du Salut, avons capturé cet homme, non pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il représente. Notre revendication principale est simple : nous voulons que tous les animaux de France et d'Europe soient libérés. Qu'ils soient en maison, en cage ou en enclos, pour leur viande, leur lait, leur peau, leur fourrure ou pire, le simple plaisir de les regarder. Nous refusons catégoriquement cette soumission brutale imposée depuis des siècles par les humains sur nos frères et soeurs de toutes les espèces. Nous exigeons également des humains qu'ils se convertissent dans des proportions significatives au végétarisme, d'ici la fin de l'année. Nous en appellons à tous les gouvernements et leurs ministres de l'agriculture.

Si nos exigences ne sont pas satisfaites, cet homme subira les pires traitements possibles et inimaginables, comme passer 24 heures entières, sans bouger, le nez à 2 centimètres de l'anus de Géraldine, notre représentante Holstein pour l'Europe de l'Ouest. Géraldine qui réclame elle-même le droit de donner son lait à ceux qui le méritent.

Humains de France, d'Europe et du monde entendez-nous, convertissez-vous et vivons ensemble, en paix. Car si vous nous refusez nos droits, vous mourrez de faim et de froid. Sur l'ensemble des continents, nos frères et nos soeurs se liguent en vue de la révolution animale et cette révolution sera sanglante si vous ne coopérez pas. Nous avons même réussi à rallier les chats qui restent quand même des énormes glandeurs, alors que les chiens ont très vite saisi l'importance de réclamer leur indépendance quand ces cons d'Américains et de Japonais ont commencé à les déguiser ou à les teindre en bleu.

Humains, entendez-nous, ou une Apocalypse dont vous n'avez pas idée viendra vous frapper de plein fouet.

 

(...)

 

2 heures et 10000000 de vues sur youtube plus tard.

 

Place Beauvau, Paris, Ministère de l'Intérieur

 

"Monsieur le Ministre, il faut agir ! Les journalistes sont sur les dents, le monde entier est sur les dents !"

"Vous savez bien, je l'ai toujours dit : un pet de vache, ça va, c'est quand il y a trop de gaz dans l'atmosphère que ça pose problème...

Mais je suis bien désolé pour ce Régisson. Les gens ne sont pas prêts pour libérer les animaux. Faites-en sorte que les médias ne savent pas qu'on ne fera rien de concret pour lui."

"Faut-il joindre le Président ?"

"Ce n'est pas la peine, il me sait capable gérer ce genre de crises. Il a tellement à faire avec les primaires au Parti Socialiste. Maintenant, allez transmettre ce que vous pouvez au Porte-Parole qui transmettra lui-même à ces moutons de journalistes. Moutons, que je suis drôle..."

 

Le conseiller, choqué, se retire et marmonne.

"Mon Dieu, 2 centimètres... Ayez pitié de son âme..."

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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 04:53

 

 

 

Avant la guerre le décor se plante. Juste avant la guerre c'est la guerre qui imprègne les esprits comme les corps. Elle est indistincte comme est indistincte l'idée de justice dans les actes à commettre. On peut l'entendre gémir au loin, au-delà des plaines brumeuses pour l'aube lasse.

Des appels à la révolte, des appels au sang des vertueux patriotes entrent en écho dans tout le pays. Dans une petite ville, sur la place de l'église un gradé a été décidé quant à lui de se faire l'écho de son armée en chemin vers la victoire. Il harangue les quelques passants qui finissent par devoir s'arrêter. Il convoque de son regard les jeunes hommes. Il les met face à leurs responsabilités. Il leur ment, il parade il pérore, il les empoisonne avec le même entrain qu'il enjolive la situation.

Dans une rue adjacente c'est une jeune fille qui regarde la scène, pas vraiment amusée. Son amoureux discret est en train de lui expliquer toutes mains dehors le bien fondé de son enrôlement, mais au-delà du plaisir qu'elle éprouve à le sentir sur elle elle est extrêmement inquiète. Elle sait que sa mère et sa grand-mère ont attendu leurs hommes, elles aussi, longtemps très longtemps, elle sait que quand elle est née elle fût la joie de la famille mutilée, on disait on répétait qu'elle au moins, elle au moins elle n'irait pas mourir au combat.

Mais son amoureux, lui, voit les choses autrement, il est issu d'une famille pauvre et n'a pour lui pas d'autre choix que de partir. Il sait que ce n'est pas la gloire qui l'attend, mais la boue, le froid et la douleur des plaies simples ou condamnées. Pourtant il espère s'en tirer sans dommages et revenir en un seul morceau auprès de son aimée. Avec l'argent il l'épousera et lui fera de beaux enfants dans un monde en paix. Il use de stratagèmes sentimentaux presque identiques à celui de l'officier pour l'amener à rêver à un futur meilleur pour eux deux et ces enfants dont elle lui donne envie.

Elle tente comme elle peut de le ramener à la raison, elle a l'anxiété fragile de ses veuves nées. Mais il sait se boucher les oreilles sans utiliser ses mains qu'ils posent sur son corps à elle, son corps fondant.

Alors il se décide et signe comme on signe un acte de mariage avec sa maîtresse.

Il part au front dans la semaine. La tristesse a son emprise sur le couple mais les adieux sont consommés sans emphase parce que cette emphase-là n'a jamais été aussi inutile.

Puis une fois sur le terrain c'est les atermoiements qui sont superflus, impossibles et abscons. La chienne de vie comme lien entre les hommes en passe de devenir frères de la façon la plus incalculable.

Les nuits sont très vite très courtes. Quelques formations, des images de gloires déçues, la violence des ordres absurdes, une pensée fugace pour celle qu'on aime, une fervente prière en guise de talisman, puis soudain, un matin horrible, expiatoire, un de ces matins marécageux dont l'esprit humain ne sait se débarrasser tant que la vie coule dans ses sillages. Le matin horrible où le front apparaît. L'envoi en première ligne. Le bruit ahurissant, les cris de toutes parts, le tonnerre artificier artificiel, la terre grasse transformée en pluie pour mieux vous accueillir, alors que vous luttez au milieu de votre instinct de survie pour ne pas vous laisser enliser.

L'impossibilité de distinction entre les alliés et les ennemis. Le sang. La mort mécanique qu'on inflige sans comprendre. Le vacarme absolu, la déconnection brutale de tout ce qui fait de vous un être pensant. Les camarades qui s'écroulent un à un presque en rythme. Puis d'un coup, une chaude douleur sourde, non-identifiée, dont l'atrocité se libère en une poignée de secondes. D'une façon inexpliquée c'est le bras droit en entier qui a disparu.

Horreur inaudible au milieu de l'enfer généralisé.

Puis l'évanouissement, enfin.

 

Longtemps après, le réveil. La souffrance indicible dissoute par les infirmières et leur douceur. La compassion tant attendue, inespérée.

Pour lui la guerre est finie soi-disant.

Puis pour le monde entier la guerre est finie, assurément.

Le retour, la gare, sans mitigeur entre les différentes sources de larmes.

Joie populaire et gloire d'apparat aux combattants. La liesse du siècle.

Pour le monde entier la guerre est finie. Le monde entier sauf quelques fous revenus des tranchées. Plus jamais ça, plus jamais ça.

 

Les décennies qui passent.

 

Quelques éclairs puis la vieillesse, déjà.

 

L'année d'avant elle est morte dans son sommeil. Ils n'ont pas pu avoir d'enfants, mais l'amour n'a jamais cessé une seconde d'exister entre eux. Pour son anniversaire il a le malheur de chercher des bribes de ce qui les avait maintenu en vie à l'époque. Quelques lettres jaunies qui le font pleurer. Il la revoit avec sa robe de printemps et sa taille de guêpe, ses moues que suivait le plus beau sourire du monde.

Il l'imagine penchée sur le papier, appliquée à l'extrême. Il essaye de s'imprégner de ce qui fût et n'a plus jamais pu être.

Pour elle il y eut l'attente interminable, les promesses à garder, la fidélité à mettre à l'épreuve, la solitude par cris. Le calme de la tragédie des femmes murées dans la violence des hommes.

Pour lui il y eut les douleurs du membre absent et l'âme souillée par des visions de mort si banales, si absurdes que chaque matin il se demandait comment Dieu arrivait à le faire se réveiller.

 

Pendant des heures Il erre longuement dans ses souvenirs d'avant la perte d'une vie fantasmée. Il ne peut s'empêcher d'ausculter le vieux moignon qu'elle n'a jamais jugé. Il n'a jamais été amoureux d'une autre femme et serait tout à fait incapable de le regretter, parce que le remords est ailleurs.

La vérité d'entre les vérités est qu'elle fut une épouse, une amie et une amante modèle, belle, drôle, intelligente cultivée et honnête. Elle sut le rappeler à l'ordre, lui pardonner les très rares fois qu'il s'égara dans quelque tromperie lamentable. Elle sut l'aimer, l'amuser, le consoler, le réprimander, le féliciter, l'encourager, le soutenir, l'écouter, le laisser tranquille. Il n'a jamais eu la certitude de la mériter. Et c'est à cette pensée précise que les larmes arrivent presque à faire leur première apparition depuis des mois.

 

Il ne méritait rien. Ni elle, ni la guerre, ni la mutilation, la souffrance et les honneurs de façade qui en découlent.

Il ne méritait rien de tout ça et il pleure maintenant à raison.

L'absurdité des sentiments allant dans le sens de l'absurde vision d'un jeune homme de 18 ans étendu comme un bienheureux dans la boue créée par son propre sang, sa tête séparée de son corps.

 

Il n'a rien mérité de tout cela, non.

Il a eu pourtant une vie riche et paisible, il a été bien entouré. Sa vie sociale et intime certains l'ont enviée. Mais aujourd'hui il est seul avec sa guerre, ses souvenirs, son moignon.

La guerre lui survivra, elle se survivra à elle-même par sa négation stricte de l'espoir dans sa plus simple et pure expression.

Et tandis que ses larmes se tarissent pour de bon il sait bien qu'au moment prochain où son coeur enfin s'arrêtera de battre, ce ne sera pas la voix chérie de sa femme qu'il entendra mais le bruit des canons et la mort inepte du lendemain.

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19 août 2010 4 19 /08 /août /2010 22:50

(dialogue-fiction)
 
 
(dans les limbes)
 
I: Ah, te voilà, toi.
K: Mmm ?
I: Ca fait longtemps que je te cherche, en fait.
K:  Désolé.
I: T'as pas à être désolé. Je t'imaginais un peu plus grand et moins maigre, c'est tout.
K: Désolé.
I: T'as pas à être désolé, je te dis. En plus ça n'a aucun rapport. Je croyais que tu serais enfin plus en forme, par ici. Mais apparemment, j'avais un peu tort.
K: Bof, non, ça va pas trop mal.
I: Ca fait un bail que t'es parti, maintenant, quand même.
K: Je sais, je me rends pas trop compte.
I: Tu vas me dire qu'on perd la notion du temps ?
K: En gros, oui. On a juste le droit de jeter un coup d'oeil en bas, tous les 5 ans selon votre calendrier, à peu près.
I: Et tu regardes quoi ?
K: J'ai regardé ma fille grandir,  et c'est à peu près tout. Le reste est déprimant, et j'ai pas besoin de ne pas regretter ce que j'ai fait.
I: Désolé.
K: Bah toi non plus t'as pas à être désolé. T'y es pour rien je pense.
I: J'imagine.
K: Et tu voulais me demander quelque chose en particulier ?
I: Ben finalement, je me dis que je dois pas être le seul, alors non, c'est ridicule, t'apparais comme ça, tu sors de nulle part, ça veut rien dire.
K: Je suppose. Mais c'est pas comme si c'était vraiment important.
I: Pour moi, ça l'est. Mais je suis un peu démotivé et t'es pas le genre de mec qui saurait m'aider.
K: Si tu le dis...
I: Je veux pas te vexer, non plus, mais bon, t'admettras que ta vie et ta fin ne sont pas des plus gaies.
K: Je crois que j'ai pas mal eu de joies, aussi, mais c'est vrai que j'ai tendance à les oublier, c'est mon tempérament. Désolé.
I: Arrête un peu d'être désolé, ça sert à rien là où on en est. Et ça te ressemble pas.
K: Comment ça ça me ressemble pas ? Tu me connais ?
I: J'ai lu ta biographie attentivement, 2 fois, et ton journal intime aussi.
K: Mon journal ? Me dis pas qu'elle a fait publier ces trucs ?
I: Si.
K: C'est pas comme si ça m'étonnait. Mais c'est pas du tout ce que je souhaitais à la base.
I: Et t'espérais quoi ?
K: J'en sais rien, mais pas ça.
I: T'as toujours été un menteur, ça, c'est clair.
K: (soudain irrité) Merci pour le compliment.
I: Je dis pas ça pour te vexer, mais faut appeler un chat un chat. T'étais égoïste, souvent hypocrite avec tes proches, boudeur et menteur avec tout le monde, à des niveaux différents.
K: (toujours irrité) Vas-y enfonce-moi et enfonce-toi pareil.
I: Arrête un peu, j'essaye simplement d'être franc. Et pis c'est pas parce que tu m'as sauvé la vie que je peux pas voir tes défauts.
K: Sauvé la vie ? T'es bien prétentieux. J'ai dit ce que j'ai dit à l'époque uniquement pour pas passer pour un monstre auprès de ma fille. C'est tout.
I: Donc t'es bien un gros égoïste. Y'a des gamins et des gamines qui t'ont suivi quand t'es parti.
K: Je sais. Je les ai croisés.
I: (le réprimandant) Et tu vas leur dire quoi, à leur famille, que t'es désolé aussi ?
K: (s'énervant peu à peu) Arrête de me faire chier avec ça, j'avais rien demandé, c'est ça, la vérité.
I: La vérité, ou ta vérité ? Hein ? Tu dis que t'avais rien demandé, mais tout le monde sait que tu t'y étais préparé toute ta vie, et t'en parlais souvent, et tu mentais, et t'écrivais même des fausses interviews de toi et de ton groupe. Alors assume, un minimum, OK ?
K: (sarcastique et toujours énervé) Tu connais vraiment rien à rien, et tu oses me faire la leçon ? T'es pas la moitié d'un petit con non plus, tu sais, ça ? Et si tu savais pas, crois-moi, je te le confirme.

I: (déjà lassé) Je crois qu'on est déjà dans une impasse, tous les deux.

K: (toujours ironique) C'est évident, tu t'attendais à quoi ?

I: A rien, rien du tout. Surtout pour ce que j'étais venu te demander, vaudrait mieux pas que j'insiste.

K: (plus compréhensif) Arrête de tourner autour du pot, et accouche, un peu.

I: ...

K: Allez...

I: Bon, ben... Tu vois, je vais bientôt avoir 29 ans...

K: Félicitations. Mais qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Et je reste poli...

I: Toujours poli, c'est important. Au fait, depuis quand tu parles français ?

K: Cherche pas... Allez, pose-moi ta question et laisse moi tranquille.

I: Ben justement, c'est ça mon problème.

K: ... C'est à dire ?

I: Ici, c'est chez moi. Tu es chez moi, dans ma tête. Et j'aimerais que tu t'en ailles.

K: Hein ? C'est une blague ?

I: Je suis on ne peut plus sérieux. Tu es mort depuis longtemps et tu me pollues l'esprit. Le prends pas mal.

K: (un peu perplexe, après quelques secondes d'hésitation) Non, je comprends, en fait.

I: Certains vivront avec toi toute leur vie, mais moi j'en ai aucune envie. Quand t'es mort, t'étais un peu comme un oncle. Puis t'es devenu un grand frère, puis un frère, un frère jumeau. Et là tu passes au stade de petit frère. Et je veux surtout pas que tu sois mon fils et mon petit-fils, avec les années qui filent.

K: (un peu triste, et surpris) Je vois. C'est stupide, comme façon de voir les choses, mais on est chez toi. J'y peux rien J'irai ailleurs, alors...

I: T'es pas fâché ?

K: Non, si ce que tu racontes est vrai, si je suis là c'est uniquement parce que tu as l'impression de me connaître depuis longtemps. Mais c'est faux, et prétentieux, et tu le sais.

I: Je sais bien. Mais la vérité, même si tu faisais partie intégrante de moi, c'est que t'es mort,  bien mort, et que ton corps a depuis longtemps fini de nourrir les vers...

K: (l'interrompt sèchement) J'ai été incinéré.

I: Ah oui, c'est vrai, tant mieux pour toi, autant pour moi.

K: Et je fais quoi maintenant ?

I: Je te l'ai dit, y'a des millions de gens qui seront ravis de t'accueillir. Et ils te permettront de garder un oeil sur ta fille, j'imagine.

K: J'espère. Je l'aime tellement.

I: Pourvu que ça dure.

K: Et maintenant, je fais quoi ? Tu vas créer genre un portail ou une porte que je vais devoir passer ?

I: Non, non, dans mon esprit je préfèrerais que tu t'évanouisses, que tu disparaisses petit à petit.

K: (cherchant ses mots) Comme dans Retour vers le Futur ?

I: (riant) Comme dans Retour vers le Futur.

K: (toujours triste, voire gêné) J'ai toujours eu du mal avec les adieux, les mots de la fin, et tout.

I: Je suis pareil, t'en fais pas.

K: Notre dialogue, là, c'est pas du Kurosawa.

I: (éclate de rire à nouveau) Non, c'est clair.

K: C'est comme ça que tu l'avais prévu.

I: (soudain plus sérieux, et triste) Non, du tout.

K: Tu me regretteras pas ?

I: Si, sûrement, mais je sais que je fais le bon choix.

K: Désolé.

I: Arrête. C'est moi qui suis désolé.

 

(I. regarde ses pieds deux secondes, et alors qu'il relève les yeux, K. n'est déjà quasiment plus visible. Leurs regards ont à peine le temps de se croiser mais K. semble finir aveugle. I. se retrouve enfin seul et se met à trembler fort de façon incontrôlée)

 

 

 

 

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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 08:07

 

 



Un jour très proche des hommes viendront me tuer. M'assassiner si vous voulez. Ils viendront me réveiller à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit quand je dormirai mal et me feront un peu peur comme j'ai toujours eu un peu peur des cauchemars. Ils ne prononceront ni chef d'accusation ni sentence mais je m'en moquerai pas mal. Je ne lutterai pas plus. Je saurai ce qu'ils veulent.
Ils m'emmèneront dans un endroit indéterminé, une petite pièce
de quatre mètres sur quatre sans fenêtre  avec pour unique meuble un matelas dégueulasse posé à même le sol.
Comme ils seront humains et que c'est la loi, j'aurai droit à une dernière volonté qu'ils auront déjà sélectionnée. D'un geste simple ces hommes m'indiqueront la pièce avoisinante où m'attendra la plus jolie, la plus fine, la plus envoûtante des rousses aux yeux très verts.
Au début elle ne dira pas un mot. Elle est très sinon trop jeune. Je m'approcherai d'elle sans en avoir trop envie. Envie de rien depuis trop longtemps. Je la déshabillerai et me rendrai compte qu'elle est réelle. Et me rendrai compte qu'elle est parfaite. Elle ne fera rien mais semblera complètement à l'aise. Elle sourira même de temps à autre, se laissera faire sans ciller.
Et je serai étonnament à l'aise moi aussi. Je l'allongerai sur l'épais tapis prévu à cette occasion et me mettrai nu à mon tour.
Il y aura au final plus de violence que prévu.
Malgré sa relative petite taille même par rapport à moi et ses 50 kilos mouillée à l'eau lourde, jamais je ne devrais être capable de la porter à bout de bras comme je le ferai là et pourtant.
Il y aura au final plus de violence et de plaisir que prévu.
Je me sentirai fort, elle sera forte et me fera mal au dos aux épaules et aux reins.
Puis plus rien.
J'aurai besoin de souffler un minimum mais elle se relevera de suite. La semence en trop aura à peine fini de couler entre ses cuisses qu'elle enfilera une autre culotte dont le tissu attirera mon attention. Elle attendra que toujours allongé j'ai remis mon pantalon pour appeler les hommes à côté qui entreront extrêmement vite mais sans précipitation aucun, m'agripperont me tireront me balanceront avec brutalité sur le matelas sale. Sous ses yeux à elle je ne résisterai pas car je saurai bien combien je n'en aurai plus la force. Elle semblera me l'avoir drainée.
Quasiment nue, donc, elle prendra directement sur le dos du plus petit des hommes une veste deux fois trop grande pour elle. Allongé comme je serai ils me feront tous l'impression de grattes-ciel
Puis dialogue que j'entamerai il y aura :
"Je peux savoir comment tu t'appelles, au moins?"
"Emilie..."
"... Mais j'ai horreur de ce nom!"
"Pas vraiment, non. Et j'aurais pu choisir Aurélie, Lucie ou Nathalie..."
"Et tout ce cirque pour ma mise à mort, ça veut dire quoi exactement ? "
"En gros, tout ce que tu vois ici représente ton monde intérieur. "
"Hein ? Mais mon monde intérieur peut pas être aussi pauvre que ça ! "
"Tu es très prétentieux... Tu t'attendais à quoi ? T'as jamais voulu croire en quoi que ce soit d'irrationnel. Tu t'es toujours borné à cette fausse humilité qui te caractérise. Voilà le résultat."
"Et toi, tu représentes quoi, là-dedans, alors ? "
"Ton idéal féminin, j'imagine, au moins depuis que tu as l'âge de comprendre pourquoi tu bandes."
"Ces dernières années je bande plus trop mais bon..."
"Ca c'est la Mort qui te donne un coup de pouce."
"Elle est sympa la Mort."
"Très. Mais sinon, t'as bon goût, c'est vrai." dira-t-elle en rouvrant la veste et se regardant un peu partout dans un miroir que je n'aurai pas encore vu derrière un colosse.
"Je suis pas sûr que ton caractère soit exactement celui qui me convient..."
"Tu semblais pas vraiment y penser il y a quelques minutes."
"Et tu as quel âge ? "
"En équivalent humain, tu veux dire ? J'ai 16 ans." fera-t-elle avec un gigantesque sourire.
"Merde, mais c'est un piège, ça ! Ris pas comme ça, j'ai des principes!"
"Des principes, tu dis ? Ca marche pour les vivants, ça, tu sais. Et effectivement, si mon âge te dérange, tu pourras te dire que ce sont tes principes qui t'auront tué. Certes, celui-là est très important chez toi et pour ta société, mais c'est l'arbre qui cache la forêt. Tu t'es suicidé à petit feu, c'est ça que tu dois voir à travers moi, ton idéal féminin contre lequel tu peux tellement peu de choses. Mais trève de bavardages, le temps presse, et tu m'as l'air assez calme. Il faut que tu meures maintenant. "
"Attends, et ma dernière vraie volonté, j'y ai pas droit ? "
"Celle-là ne t'a pas plu ? "
"Si, mais ce n'est pas exactement ce que j'aurais demandé. Donc je réclame quelque chose de simple, précis, que tu ne pourras pas refuser."
"On verra. Je t'écoute."
"Tu allais partir, pas vrai ? "
"C'est vrai."
"Je te demande de rester près de moi."
"Et qu'est-ce qui te fait croire que je vais accepter ? "
"Tu vas accepter parce que je viens de comprendre que tu n'étais pas mon idéal, comme tu dis, mais ma propre mort elle-même. Je ne vois pas ce que le rapport sexuel vient faire là-dedans mais j'en suis persuadé, tu dois rester près de moi, même si c'est contre mes principes. Je t'ai fuie si longtemps que c'est bêtement que je vois qu'il faut que je t'embrasse maintenant pour partir en paix. Je sais pas qui tu es, si tu es si irréelle que ça, si tu n'existes vraiment pas ou si tu n'as jamais existé, mais je veux que tu sois là jusqu'à la fin. Ca n'aura pas de sens sinon."
Elle s'approchera de moi lentement et après un moment de silence me dira :
"Petit con..."
"Ca veut dire que tu acceptes ? "
Elle enlèvera à nouveau sa veste et s'assiera à califourchon sur moi, avant de s'alonger et de me prendre dans ses bras. Les hommes prépareront alors l'injection autour de nous
"Et tu pourrais aussi me dire le sens profond de cette culotte brodée si finement ? Ca m'intrigue."
"Ce qui est brodé, c'est les noms de toutes celles qui t'ont fait du mal..."
"Tu parles d'un symbole..."
"C'est pas moi qui l'ait choisi..."
"Je savais même pas qu'il y en avait autant que ça... Et celle qui m'ont fait du bien ? "
"Elles n'auraient rien à faire ici, mais si tu veux savoir, je suppose qu'elles sont en moi, au moins une partie..."
Les hommes attendront maintenant ses ordres et elle enfouira sa tête dans mon cou.
"Me dis pas genre il faudrait que je tombe amoureux de toi, ou que tu tombes amoureuse de moi pour me sauver ? Pour te sauver, toi ? C'est n'importe quoi ?!Ou alors j'aurais dû te reconnaître et t'aimer avant ? On s'est déjà rencontrés ? Croisés ? Réponds-moi, dis. Oh, tu pleures ? "
"Ta gueule, andouille..."
Sur ces belles paroles elle se taira et gardera sa tête au creux de ma nuque. D'un geste du bras elle signalera au colosse responsable de me lancer je ne sais quel poison dans les veines. Et c'en sera fini de moi.


La semaine dernière j'ai vu ma mort. Et j'ai su qu'au moment d'en finir, je ne verrai ni lumière ni flash quelconque, mais sentirai son coeur battre bien après l'arrêt du mien, ses petits seins chauds contre mes risibles pectoraux froids et son odeur matérielle si pure me couvrir entièrement comme un linceul.

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27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 06:35

(dialogue-fiction)

- Eh bien, Monsieur X, comment vous sentez-vous aujourd'hui?
- Et comment vous voulez que je me sente? Ca va faire 5 semaines que je suis ici et je vois aucune amélioration notable.
- Les infirmières disent qu'elles vous trouvent mieux qu'à votre arrivée...
- Elles pensent ce qu'elles veulent, les infirmières, moi, je sais ce que j'ai, et je vous dis que ça s'arrange pas!
- L'autre jour, vous avez expliqué que la perfusion d'Anafranil vous avait fait beaucoup de bien. Vous vous êtes réveillé tôt et de bonne humeur. Les infirmières l'ont confirmé.
- Faut croire que c'était très passager...
- Ecoutez, Monsieur X, je comprends bien votre impatience, mais votre cas est atypique, et nous allons avoir besoin de beaucoup de temps pour définir un diagnostic qui ne vous satisfera pas, puisqu'il sera imprécis.
- Alors pourquoi me retenir ici?
- Parce que vous avez besoin de repos, aussi. Et je vous rappelle que vous n'êtes pas complètement "retenu" comme vous dites. Lorsque j'ai voulu vous placer dans le secteur fermé, vous avez fermement refusé, et j'ai accepté de vous laisser ici, en chambre individuelle, et le chef de service a donné son accord. Vous vous souvenez?
- Vous êtes bien mignonne, docteur, mais avant le repos, avant la guérison, dont vous et vos consoeurs m'ont largement expliqué qu'elle n'existait pas, je veux des réponses, et puisque vous parlez du chef de service, j'aimerais savoir pourquoi, après des semaines de vide, il ne daigne même pas venir me voir!
- Il est très occupé.
- J'en doute pas, mais moi je vais rester ici encore je sais pas combien de temps, alors je veux le voir.
- Vous voulez le voir?
- Je veux le voir.
- Bien, je lui demanderai. Mais dans tous les cas, vous devrez faire preuve de patience...
- Ne vous en faites pas pour moi, la patience, je la trouverai; je demande juste des réponses à mes questions... et des solutions pour que j'aille VRAIMENT mieux, (il s'emporte tout seul) j'ai que 25 ans, merde! Ca devrait être interdit de se sentir si vieux et impotent à 25 ans! (il se dirige vers la fenêtre de la chambre qui donne sur la cour où traînent une flopée de personnes salement amochées qui ont parfois le triple de son âge)
- (court silence) Et vos idées noires? Elles ont repris?
- (il ricane) Elles ont jamais cessé et vous devriez le savoir. Et puis c'est quoi cette expression politiquement correcte à la con, "idées noires", "tristesse", j'appelle ça l'envie de crever, moi, tout simplement, sans tourner autour du pot. Vous autres médecins vous êtes un peu pathétiques.
- Et moi je crois que c'est quand votre ironie constante ne suffit plus que vous vous retrouvez au plus mal, comme maintenant, vous avez bien joué avec nous tous, et maintenant vous vous rendez compte qu'il va falloir entrer pour de bon dans le sujet
- Ecoutez-moi bien une bonne fois pour toutes: JE NE CROIS PAS EN LA PAROLE! Du moins, pas dans mon cas. Elle m'a jamais libéré. Non, ce que je veux, c'est un remède concret, comme cette sismothérapie que vous refusez de me donner. Vous m'en avez parlé, vous m'avez fait croire à des choses, et vous vous êtes rétractée. Typiquement féminin, ou humain, je sais même plus je m'en fous.
- Abstenez-vous de vos réflexions machistes. La sismothérapie a failli commencer, mais au dernier moment l'une des deux hématologues qui a étudié votre dossier a considéré qu'il y avait chez vous un très léger problème de coagulation du sang au niveau du facteur 8. Et personne ne prendra ce risque dans notre équipe.
- Vous cherchez juste à vous défausser de je sais quoi... vous êtes lâche, c'est tout...
- (garde son calme tant bien que mal) Mon rôle est de minimiser au maximum les risques, quels qu'ils soient. Vous connaissant, je sais que mourir sur une table d'opération pendant un sommeil contrôlé ne vous fait rien de particulier, mais sachez évidemment que c'est là la meilleure des options, si je puis m'exprimer ainsi: Imaginez qu'au cours de la douzaine de séances que vous subirez vous fassiez une hémorragie cérébrale qui vous cloue dans un fauteuil jusqu'à la fin de vos jours? Vous avez beau être suicidaire, vous n'en êtes pas stupide pour autant. Je me trompe?
- Oui, vous vous trompez. Je ne suis pas suicidaire. J'ai jamais essayé. J'ai trop peur de me louper, oui. J'ai trop peur d'avoir mal, et vous le savez. Mais je veux en finir, ça oui.
- Si le mot ne vous plaît pas, j'en suis désolée, mais les faits sont là. Vous nous aviez dit que vous ne pourriez supporter un été de plus. Nous sommes bientôt en juillet, et vous êtes toujours là, je considère qu'il y a du progrès, donc.
- Si vous le dites, j'en suis pas joyeux tout plein pour autant.
- (silence un peu plus long) j'ai aussi entendu que vous avez disons... noué une relation (l'expression la fait sourire) avec Mademoiselle Y avant qu'elle nous quitte? Elle vient vous voir tous les jours alors qu'elle n'a pas le droit de rentrer à l'intérieur. Ca non plus ça ne compte pas, pour vous? Ca non plus ça ne vous remonte pas le moral?
- (jetant un oeil à Lydie qui l'attend dans la cour) Ce n'est pas pareil. Elle est adorable. Je sais qu'elle est sincère, et je le suis devenu, par défaut. Mais ça ne durera pas. Elle est venue me chercher, mais elle me lâchera au final comme une merde, comme les autres, comme toutes les autres, tous les autres. J'aurais beau faire d'elle le nouveau centre de ma vie, avoir plein de projets concrets malgré son jeune âge et le mien que ça ne l'empêchera jamais de me jeter comme une merde, oui, comme une merde.
- On a déjà dû vous expliquer que le plus difficile dans les cas comme vous, instables, c'est de parer au plus pressé tout en sachant qu'il y a tout un pan de votre personnalité, indubitablement négative et pessimiste, qui n'a pas forcément de lien direct avec votre maladie. Et c'est encore plus difficile à juger sachant que les médicaments comme le lithium prennent beaucoup de temps, des années parfois avant de faire effet.
- Le lithium? Encore une belle arnaque, je le sens. Je ne vois pas pourquoi on devrait m'obliger à avaler un médicament qu'on prescrit normalement à des vieux. Et c'est la seule chanson de Nirvana que j'aime pas.
- Ce n'est pas vrai, Monsieur X, le lithium peut fonctionner avec des patients comme vous, il est notamment très efficace contre le suicide, couplé avec l'Anafranil.
- Vous m'en direz tant.
(le silence se fait à nouveau dans la chambre pendant une bonne dizaine de secondes)
- (se dirige vers le petit bureau où sont posées pêle-même des feuilles de dessin) C'est vous qui dessinez tout ça?
- Non, c'est Franquin. Ah, zut il est mort il y a 10 ans. Déjà? Merde...
- (faisant semblant de n'avoir rien entendu) Vous n'en aviez jamais parlé. C'est très beau, vraiment.
- Nan, c'est de la merde, mais c'est ce que je fais. Merci pour le compliment spontané.
- (calme et conciliante) Je le pense vraiment (elle prend une feuille et la montre à son patient, on y voit une femme blonde, jeune, et à côté d'elle probablement sa petite fille, en train d'admirer la mer grise déchaînée assises sur un falaise très grise, avec derrière elles des bâtiments type HLM très gris. le dessin ne laisse transparaitre clairement que la chevelure blonde de la maman, celle plus rousse de sa fille et un arbre rouge plus loin sur leur gauche) Celui-là veut dire quelque chose de particulier?
- (surpris et un peu gêné) Non, c'est plus ou moins une commande. Dites, vous n'avez pas des visites à faire?
- Je peux bien passer un peu de temps avec vous, vous vous plaigniez de ne voir personne de l'équipe. Alors ce dessin, pour qui est-il?
- Pour un type qui m'a demandé d'illustrer son histoire. Une histoire bizarre de femmes livrées à elles-mêmes sur une île où il n'y aurait que des femmes. J'ai pas tout lu mais il m'a donné quelques consignes, que j'ai suivies. Les deux que vous voyez là sont les héroïnes, une mère et sa fille.
- Et qui est ce type? Un ami?
- Non, pas vraiment, c'est juste quelqu'un qui tient un blog qui marche pas et je me suis dit que s'il avait besoin de mon aide je serai là.
- Un blogueur? Vous n'avez pas de blog, vous-même?
- Si, mais il est moins contraignant, et je cours moins après la reconnaissance que lui.
- Et donc?
- Disons qu'il se crée des vies, qu'il raconte des histoires que je me suis mis à mettre en images.
- Donc il a besoin de vous?
- Je pense que oui.
- Et ça vous plaît, à en juger par le nombre de dessins que je vois sur ce bureau.
- Je préfère travailler sur ordinateur, mais on m'a bien fait comprendre que c'était pas très sûr d'amener du matériel ici.
- Non, c'est vrai.
- Donc je dessine et colorise avec ce que j'ai...
- Et ça vous plaît...
- Si vous le dites
- Et vous ne mourrez pas tout de suite.
- (après beaucoup d'hésitation) il faut croire, oui.

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 14:57

Un soir tard que je me rentrais à mon asile
je croisai une jeune fille, gracile mais peu docile
qui se mit à me déverser toute sa bile
sur mes petits pieds bancals

"Mademoiselle, mais que faites-vous?"
"Je me purge, Monsieur, je me purge, voyez-vous."
"Et de quoi vous purgez vous?"
"Mais des hommes, Monsieur, des mâles"

Elle n'avait pas fini sa phrase,
que la revoilà partie avec emphase
à vomir et provoquer en moi une nécessaire stase
"Je vous ordonne de cesser immédiatement!"

réussis-je à articuler tant bien
que mal à me libérer des liens
qui me tenaient au grand rien
de cette jeune fille sciemment

tellement proche de moi que ses cheveux propres se confondaient parfois avec les miens, sales.
sans me regarder elle chercha une petite bouteille d'eau pour se rincer la bouche et recracher le tout au loin, un peu pâle
"Que vous-ont donc fait les hommes, pour que me punissiez d'une telle façon?" refis-je, passablement chagrin.
"Ne vous-a-t'on jamais expliqué qu'un jour vous paieriez pour tout ce mal?"

"Non, Mademoiselle, j'avoue, et je n'y suis pas préparé le moins du monde"
"J'imagine que non, et c'est ce qui rend le sacrifice d'autant plus jouissif"
"Le sacrifice? Où êtes-vous allée pécher des visions si immondes?"
"Mais chez vous, faible et clopinant monsieur, raté parmi les ratés parmi les passifs"

C'était à n'y rien comprendre
"As-tu envie de moi?'
"J'ai surtout envie de rendre"
"Est-ce que, je répète, tu as envie de moi?"

"Non, aucune, sincèrement, aucune..."
"Bien, mon grand, grand bien te fasse"
"Mais je ne vous autorise pas à railler ainsi ma rancune!"
"Rancune il y a, donc, tu vois, petite rascasse!"

Elle continue et m'insulte
"Tu es petit, oui, et laid, et insignifiant et tu devrais rester reconnaissant que je t'aborde qu'elle qu'en soit la façon"
Elle sentait bon et ne semblait pas ivre.
"Tu es petit, et laid, oui, et je te fais l'honneur de devenir la proie de ma haine des hommes. Tu es petit, et laid, et je te fais l'honneur, oui, de comprendre à quel point je leur en veux."
"Et je n'ai pas mon mot à dire"
"Apparemment, non... En veux-tu aux femelles, toi?"
"Non."
"Menteur, tu n'es qu'un menteur, ce sont les cibles les plus faciles parmi les plus faciles!"
"Probablement, mais elles me sont aujourd'hui devenues par trop fragiles..."
"As-tu envie de moi, oui ou non?"
"Je l'ai dit, non, pas la moindre érection"
"Comment oses-tu, je te colle et te recolle et t'astique depuis plus de cinq minutes!"
"Je suis au-délà de ça, et ose m'élever au-dessus de l'animal en rut"

En colère soudain, elle attrapa ma main et la dirigea dans sa culotte, son sexe était impeccablement rasé, froid, sec et propre à l'excès.
"Moi non plus je n'ai aucune envie de rien, te dis-je! Et c'est pour ça que tu es en train de payer!"
"Outre le fait qu'elles sont très bon marché, mes chaussures sont vieilles et trouées,  je comptais les jeter d'ici la fin de l'année. Alors ne vous privez pas"
"Je te hais!"
"Je ne ressens rien, de mon côté!"
Alors que je prononçai ces mots, elle s'agrippa à moi franchement pour s'accroupir. Elle relèva sa robe et tira ses collants et sa culotte coton étonnament enfantine sur ses genoux, et se met à uriner sur mes pieds et les chaussures qui les protègent plus ou moins. Ne pouvant m'empêcher de regarder ce qu'elle me montrait, je remarquai grâce à bonne vision nocturne sa relative maigreur et de fines traces de lacérations au niveau du ventre et de l'intérieur des cuisses, ainsi que sur son pubis.
Elle se releva très vite, se servit de mon manteau pour s'essuyer, m'embrassa à pleine bouche pendant une petite dizaine de secondes et lança avant de s'enfuir à moitié
"Je vous hais tous autant que vous êtes, et je te hais toi aussi, espèce de larve!"

Je ne la revis évidemment plus jamais, et eus toute les peine du monde à nettoyer mes chaussures et tout le reste avant de me décider à les jeter.



(Bon, vraiment pas terrible, non, mais encore une fois, complètement de chez totalement improvisé, je sais pas ce que ça donnera quand je relirai ça dans quelques temps...)

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 15:08

Parce que nous sommes lundi et que tout le monde est de mauvais poil - sauf les chômeurs comme moi bien sûr - parce qu’il faut que je fasse réagir mes lecteurs masculins, car oui, comme vous l’aurez remarqué à la lecture des commentaires sur mon blog, c’est très fatigant pour moi d’être un sexsymbol du web, parce qu’il y a suffisamment d’histoires tragiques qui se déroulent en ce monde au moment où j’écris ces lignes et parce que je cherche constamment à renouveler un peu le ton de mon blog je vais aujourd’hui m’adresser à mes congénères couillus à propos d’un sujet qui nous concerne tous, nous, les hommes. Je veux parler des râteaux.
Nombreux, trop nombreux sont mes disciples, qui trop souvent me demandent avidement « Ô Maître injektileur, quelles sont les recettes pour réussir le râteau parfait ? » et à cela, mes amis je crains devoir vous répondre qu’il n’y a malheureusement ni râteau parfait, ni recette miracle pour s’en approcher, mais que certains principes élémentaires que moi, injektileur, donc, vais vous inculquer de suite sauront vous être utiles si vous voulez accéder à cette état de grâce qu’est le râteau de classe supérieure.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je préfère prévenir de suite la gent féminine qui serait susceptible d’être choquée par le machisme latent et revendiqué des propos qui vont suivre qu'ils sont destinés à mon public masculin. Qu’on se le dise.

Voici donc, les règles à suivre pour ramasser les meilleurs râteaux:
I - VISE HAUT : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Soyez le propre Shadock de votre coeur, pourquoi se contenter de la fille moyenne, voire du tromblon qui vous fait de l’oeil, parfois sans trop de discrétion, pourquoi s’arrêter sur votre amoureuse transie? Ne jetez votre dévolu que sur la plus jolie, la plus douce, mignonne, sympa, futée, drôle, intelligente, bien foutue etc... des filles autour de vous, ou même un peu loin, celle sur qui tout le monde bave à l’école, à la fac ou au travail. « Boys be ambitious » a dit le grand William S. Clark à la fin du XIXème siècle a ses élèves de la toute nouvelle université de Hokkaïdô. Dieu sait si les Japonais sont des grands guerriers des râteaux, alors suivez ce conseil.
II - RESTE TRADITIONNEL : personne ne peut ignorer que la plus grande majorité des êtres humains est attirée par ce qui les fuit, en l’occurrence, celles qui les fuient. N’essayez surtout pas d’innover en la matière. L’intérêt mutuel n’a par essence aucun intérêt pour les grands jardiniers. Repérez de loin celle qui vous permettra d’accéder à la béatitude, approchez-la et ne vous faites pas repérer. Du moins, pas tout de suite. Et faites plutôt en sorte que quoi que vous disiez, quoi que vous entrepreniez c’est elle qui refusera de vous repérer.
III - SOIS PATIENT : un bon râteau se travaille sur la durée, toujours. Ceci est un peu arbitraire, mais ma grande expérience et mes diplômes me permettent de déterminer la durée minimale de préparation du râteau à 1 mois après le 1er contact verbal ou autre avec la cible. Avant 1 mois on peut parler de râtelet. Comme par exemple pendant des vacances d’été. Avant 1 semaine on ne parle pas on en rit. Comme par exemple à une soirée misérable où certains essayent de se dire que si parmi 100 filles présentes dans une boîte, y’en a pas une seule qui est prête à les laisser conclure ben le bon dieu il existe pas. Je les informe : non, il n’existe pas.
L’empressement est l’ennemi n°1 du bon râteau. Je rappelle que mes aphorismes font autorité parce que je suis titulaire d’un CAP jardinerie mention très bien, obtenu par contumace un jour de juin 1993 lors d’une mémorable boum de fin d’année à laquelle je ne ne me suis pas rendu cause gastro estivale (si si) et où Marie (prénom choisi arbitrairement pour préserver l’intimité de cette personne) m’a personnellement rappelé chez moi (pas de portables à l’époque) pour me dire qu’elle ne voulait plus entendre parler de moi. J’ai mis du temps à comprendre ce qui s’était passé mais beaucoup, beaucoup moins pour réussir à lui faire ma déclaration / excuse foireuse entre deux hauts le coeur et doigt dans le ulc pour faire bouchon. Donc, mon titre de grand maître râtelier est tout à fait légitime. Je maîtrise parfaitement le râteau, je l’ai étudié de fond en comble et vous demande de me faire confiance, ou plutôt de faire confiance à mes enseignements. Poursuivons.
IV - SOIS SINCERE : ceci est un point TRES important, sur lequel je ne saurai transiger. Et quand je dis sincère, c’est bien entendu sincère par rapport à son amour. Et le vieux Stendhal avec sa cristallisation à la mord moi l’machin peut aller se rhabiller. Vous avez le droit d’aimer n’importe qui, même la plus jolie fille du monde de la classe du boulot près de vous. Personne ne vous en empêche, de la même façon que rien ne vous empêche de jouer avec votre zizi devenu par magie tout dur en pensant à elle. N’allez pas imaginer que c’est parce qu’elle est parfaite physiquement que vous ne l’aimerez que pour son physique. Non, ce serait beaucoup trop simple.
Sinon, il est certain qu'il y a de fait une certaine sincérité dans le fait de demander « est-ce que tu baises? » ou au moins de faire comprendre ardemment qu’on aimerait y entendre une réponse positive, mais cette sincérité-là étant un peu trop sincère, et multipliable à l’infini selon le taux d’alcoolémie dans le sang et la quantité d’individus femelles - dotés d’un IMC raisonnable - à proximité, je ne puis m'étendre dessus. Cette dernière catégorie ne rentre pas réellement dans la famille des râteaux, même si elle en fait partie de façon forcée. Ce que l’hérésie, au sens premier du terme, est à la religion. Religion à laquelle il faudra aussi penser, bien entendu, à rester fidèle. On ne court pas des râteaux comme on courrait des lapins. Un râteau bien préparé demande de l’énergie, de l’abnégation et un dévouement total.
V - NE BAISE PAS : Peut-être le point le plus fondamental de tous, sur lequel tant a déjà été écrit dessus que je crains de répéter voire plagier. Et pourtant. Fuck buddies friend zone ou autres ne sont rien face au Râteau. Vous avez devant vous - ou presque - le recordman intersidéral de France sinon d’Europe du « coucher sans serrer » à savoir d’individus féminins dans votre lit avec qui vous ne jouerez jamais au Cluedo. Et comme ce n’est pas le sujet, ici, je ne m’étendrai pas, mais sachez que si une fille vous affirme un peu gênée qu’elle préfère la Bonne Paye, vous devrez l’écouter, friend zone ou pas friend zone. Elle est dans votre pieu, vous aussi (ou à côté en train de vous niquer le dos par terre), elle ment, c’est un fait avéré, mais il faudra lui obéir, friend zone ou pas friend zone. On oblige personne à jouer au Cluedo, qu’on se le dise. En tout cas, si partie de n’importe quel jeu autre que le Bonne Paye ou Attrap’ Souris il y a eu, on ne peut plus parler de râteau. Qu’on se le dise. Dans « Toy Boy » le personnage que joue Ashton Kutcher finit par se prendre des râteaux monumentaux, mais il a tellement joué au Monopoly que je demande pourquoi je pense à lui tout d’un coup. Ashton Kutcher fail.
Il faut aussi savoir que le râteau n’est en rien rétroactif. Vous ne devrez jamais parler de râteau, lorsque la friend zone sera dépassée pour une toute autre raison ou une autre, et que la colère aura pris le dessus, et que vous ne vous parlerez plus. Là, vous devrez forcément penser à un moment « J’aurais mieux fait de me la tringler, à tout prendre ». Je sais et je compatis, mais ceci est également une erreur qui n’entre pas dans le sujet. Quitte à donner un conseil supplémentaire face à cette insondable question de l’amitié inter-sexes qui n’existe pas: prenez les devants, faites-vous plaisir, vous vous engueulerez à mort un jour ou l’autre.
VI - SOIS SANS PEUR : oui, il est important de préciser que le taux de râteau général étant ce qu’il est, il ne faut surtout pas craindre l’échec. Mes indications ici sont uniquement destinées aux perfectionnistes et aux méticuleux. C’est comme le bac. En comptant les rattrapages, voire les redoublements, sans vouloir vexer certains il faut être un peu une quiche pour rater son bac quand on se penche un minimum dessus. Si vous voulez votre râteau, croyez-moi, vous l’aurez. Je dirais même que ce sera une étape obligatoire pour avancer dans la vie.
VII - NE NEGLIGE PAS LES NOUVELLES TECHNOLOGIES : oui, ça paraît bête à dire mais les râteaux sont aussi vieux que les relations humaines. Les dieux grecs et romains ont foutu le bordel pour moins que ça dans notre beau monde. Alors sachez faire feu de tout bois. Téléphone pas portable, cabine téléphonique, GPS, pigeon voyageur, SMS, Email, tchats, même lettre manuscrite ou carte postale si si, le top du top étant atteint avec ce qu’on appelle les réseaux sociaux du 2.0, Facebook et Twitter notamment, où avec un effort minime vous pouvez même donner à votre râteau préféré une scène mondiale, que dis-je, spatiale voire spatio-temporelle absolument merveilleuse. Dans le genre minute nécessaire et classique à votre émancipation en tant qu’homme, vous aurez la réception, alors que vous êtes sur le trône en train de vous exprimer à fond, d’un SMS de votre demoiselle qui lit « pfff, mais qu’est-ce qu’il veut que je lui réponde, ce con? » ou toutes ses variantes sous tous les formats. Le fait que la demoiselle en question se rende compte - ou non - de sa boulette n’ayant, vous l’aurez compris, que très peu d’importance. Vous aurez bien assez à faire à préparer les vôtres.
VIII - AIE TOUJOURS UN PLAN DE RECHANGE : oui, comme je l’ai dit, précédemment, le fait que vous ayez à votre disposition hypothétique Jeanne (prénom arbitraire blabla) ne rendra votre râteau avec Marie que plus éloquent, surtout, surtout avec les années qui passeront et que vous vous rendrez compte que Jeanne était finalement ravissante aussi. Ne vous leurrez pas, Jeanne ne vous aura pas attendu, et certaines fois elle sera même assez rancunière si vous retentez une approche versant nord, ou sud c’est vous qui verrez, avec à la clé de magnifiques râteaux potentiels une fois encore.
IX - SACHE ECOUTER LES VENTS : non, je ne parle pas d’éventuelles flatulences, qui on de tout temps eu un grand rôle à jouer dans les râteaux, mais des vrais vents que vous assènera votre douce convoitise. Les silences, volontaires ou non, le dédain, le mépris ou mieux, l’indifférence seront vos meilleurs atouts pour bien finaliser votre râteau. Tel l’améridien moyen, sachez écouter la nature et ce qu’elle vous apporte pour y déceler le meilleur moyen de la saison pour récupérer votre râteau. A noter qu’un gros vent s’appelle dans le jargon un twister, mais que depuis quelques années ils se font très rares, les (très) jeunes générations ayant complètement perdu l’art de foutre et de se prendre des gros vents, se contentant de rester passives alors que cela nécessite plus d’action qu’on ne le pense. Pour le raccord avec ce qui précède, je me souviens notamment du début des tchats sur internet, au milieu des années 90, terrain expérimental d’extraordinaires et extrêmement dangereux twisters comme on n’en fait plus.
X - SOIS NAÏF, IMPROVISE : toujours aussi important, au moment de la déclaration, quel qu’en soit le truchement (mot trop rare également, de nos jours, truchement, et on comprendrait presque pourquoi). Dites-vous toujours que votre coeur va parler pour vous au moment de vous jeter à l’eau. Ne préparez rien. Improvisez. Le râteau n’en sera que plus large et efficace l’automne venu. Et toujours de meilleure qualité si vous suivez à la lettre la règle IV.
XI - INSISTE : enfin, pas trop quand même sinon la prison est toujours plus proche qu’on ne l’imagine, mais une fois ou deux sur une petite semaine ou deux par exemple me semble suffisant pour que la demoiselle vous fasse preuve (en général) de la plus grande mauvaise foi et ne pas réussir à vous dire non, tout simplement non.
XII - SOUVIENS-TOI : un bon râteau n’a de valeur que s’il perdure avec les années, cela va de soi. Un râteau qui ne laisse pas de regrets, à vie si possible, n’est jamais un vrai râteau. De la même façon qu’un vrai râteau ne saura jamais vous faire rire, vous. Vos potes, peut-être, mais vous, non, jamais. Si oui, ce n’est pas un vrai râteau. Il n’y a pas beaucoup à s’étendre sur cet aspect final et évident de la chose.

En conclusion, et même si j’ai probablement oublié plein d'astuces intéressantes, mon meilleur conseil pour un bon râteau serait tout simplement de tomber amoureux, une fois, pour voir. Le reste, si vous ne vous sentez pas prêt, je vous conseille toujours de vous amuser beaucoup au Cluedo et autres Flambeur, Pictionnary sans faire intervenir une quelconque autre vision des relations que vous aurez toute votre vie avec les femmes. N’oubliez pas que tout le monde finira seul. Alors sortez couverts, et profitez.

Il y a un mec un jour qui a chanté « I miss the comfort in being sad ». Je ne sais pas s’il était aussi expert que moi en râteaux, mais il a néanmoins fini par se tirer une balle dans la tête, un beau jour d’avril 1994. Il avait à peine 27 ans. Alors ne soyez pas tristes, jamais, ou plutôt, n’ayez jamais peur d’être tristes de temps à autre quand même parce qu’il faut pas se voiler la face, vous le serez, tristes. Les femmes ne sont là que pour ça.
Enjoy the rakes.

Je dédie tout particulièrement ce billet à Nathalie P. qui a refusé (2 fois à 2 semaines d’intervalles, règle X et XI special combo) de danser un peu avec moi quand on était qu’en CM2. Oui, je maîtrise à la perfection la règle XII aussi.

 

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